Patrick DELPERDANGE
La main du loup (Schubert Café I)
Casterman
coll. Tapage
1997
128 p.
A suivre
Rebaptisée Tapage, l'excellente collection Travelling renaît chez Casterman et propose aux adolescents de nouvelles séries d'action, de mystère et de science-fiction. Venus pour la plupart de la littérature pour adultes, leurs auteurs n'ont pas cru déchoir en s'adressant à un lectorat plus jeune, au contraire. Ils savent qu'il n'est pas de genre plus exigeant que le roman dit pour la jeunesse et ce genre, ils l'ont pris au sérieux. Tout en souscrivant à ses lois, qui demandent une histoire captivante placée sous le signe de l’initiation et de l’épreuve, ils ont veillé à ne pas édulcorer leurs récits, ni simplistes ni moralisants ni asexués. Rien n'interdit donc aux grandes personnes (comme disent ceux qui tiennent à vieillir) d'y goûter un enchantement sincère. Le Cycle de Vertor d'Alain Dartevelle nous projette dans un futur où cohabitent haute technologie et décadentisme, néo-paganisme superstitieux et cosmopolitisme interplanétaire.
Patrick DELPERDANGE
Belle à croquer (Schubert Café II)
Casterman
coll. Tapage
1997
128 p.
Un peuple de nabots grotesques tenu en esclavage, les Noks, y est exhibé comme phénomène de foire et sacrifié au cours de jeux de cirque sophistiqués, pour la joie de hordes de touristes. Venu comme des milliers d'autres assouvir une curiosité malsaine, le professeur Anton Dexter ne tarde pas à découvrir l'envers du décor : une conspiration ourdie par une puissance occulte et visant à instaurer une dictature à l'échelle de l'univers en transmutant en Noks les sommités du pouvoir en place. Cependant, comme dans Total Recall de Philip K. Dick, tout cela n'est peut-être qu'un cauchemar organisé par une agence de voyages virtuels et vécu à domicile par Dexter, ou peut-être pas — la suite au prochain épisode... En filigrane de cette histoire qui est aussi une recherche d'identité passent les angoisses de notre temps face aux manipulations génétiques et à la réalité virtuelle. Au savoir-faire un peu extérieur de Dartevelle, il ne manque qu'une touche d'ambivalence, un grain de paranoïa dans la mise en scène des jeux du réel et de l'illusion pour emporter vraiment.
Alain DARTEVELLE
L'astre aux idiots (Le Cycle de Vertor I)
Casterman
coll. Tapage
1997
128 p.
Ici, un cadre réaliste est insensiblement miné par des détails étranges et des rencontres insolites : une cartomancienne retournant l'arcane de la fatalité, un concierge aveugle (donc omniscient), un croquemort, sans oublier l'homme à patte de loup... Tout commence par un accident suspect sur un plateau de tournage et un rendez-vous chuchoté par une scripte égarante aux yeux verts au jeune Julien, fils d'un clown contraint par la dureté des temps à gagner sa croûte dans la publicité. Le rendez-vous en question conduit le garçon au Schubert Café, dont la façade respectable abrite les agissements d'inquiétantes puissances de l'ombre. A partir de là, Delperdange promène une intrigue aux nombreuses ramifications à travers un réseau de mystères — sociétés secrètes, égouts, forêt, personnages et situations présentant un double visage, réaliste et fantastique —, où chacun paraît en savoir plus qu'il n'en dit et où l'on n'est jamais sûr de ce qu'on a vu. Les aventures éprouvantes de Julien (kidnapping, séquestration, chasse à l'homme digne du comte Zaroff) servent d'écrin à une peinture sensible des premiers émois sentimentaux de l'adolescence, elles équivalent aussi à un rite de passage de l'enfance à la maturité. Répétons-le, le mystère chez Delperdange est d'abord affaire de litote, de climat et de suggestion, donc d'écriture, et c'est pourquoi, s'ils devraient séduire les jeunes lecteurs, les deux premiers épisodes de Schubert Café donneront envie aux autres de connaître ses romans « pour adultes ».
Thierry Horguelin