HANSE-BLAMPAIN
Nouveau dictionnaire des difficultés du français moderne
De Boeck Duculot
2000 (dictionnaires imprimé et électronique)
649 p.
La souris d'Hanse
II y a plus d'un demi-siècle, Joseph Hanse publiait un Dictionnaire des difficultés grammaticales et lexicologiques. Lui succéderont deux éditions du Dictionnaire des difficultés du français moderne, où l'auteur se réclamait d'un « bon » usage campant à égale distance du laxisme et du purisme, tous deux malfaisants : il avait fait choix de ceux qu'il considérait comme de « bons » écrivains et de « bons » grammairiens — discutable, donc, ce partage du bon grain et de l'ivraie. A sa mort, Joseph Hanse laissait deux cents pages de notes destinées à une 3e (pas de trait horizontal sous la lettre mise à droite du chiffre) édition, à laquelle donnait le jour son collaborateur Daniel Blampain, titulaire du cours de linguistique à l'Institut supérieur des traducteurs et interprètes de Bruxelles. Voici la 4e édition de l'ouvrage, intitulé Nouveau dictionnaire des difficultés du français moderne, celles-ci concernant la prononciation, l'orthographe, le vocabulaire et la syntaxe. Y sont prises en considération les variations (historiques, sociales, géographiques) de la langue et ses particularités, en France et hors de France. Nouveau ? Incontestablement, puisque présenté en deux versions : un dictionnaire papier, un dictionnaire électronique. On voudra bien permettre que nous parlions d'abord un peu boutique, c'est-à-dire doctrine grammaticale. Celle-ci, traditionnelle, accueille néanmoins les rectifications orthographiques proposées en 1990, ici accessibles in extenso. Pourquoi traditionnelle ? Tenons-nous-en1 au survol de deux domaines brûlants : l'accord du participe passé et la conjugaison. Le rôle d'un dictionnaire des difficultés de la langue est ambigu : s'emploie-t-il à les éliminer, il se saborde ; on comprend qu'il préfère les résoudre (plutôt que « solutionner », même si sa conjugaison est malaisée). Aussi Blampain consacre-t-il neuf lignes courtoises au Participe passé autrement de Marc Wilmet, sans expliquer combien ses procédures innovent et simplifient. Par contre, s'agissant de l'accord du participe passé suivi d'un infinitif, il maintient la distinction « Les chansons / chanteurs que j'ai entendu / entendus chanter », alors que, dans les deux cas, « j'ai entendu quoi ? » chanter des chansons aussi bien que des chanteurs ; l'invariabilité est-elle intolérable ? Quant à la conjugaison, nulle part n'est évoqué le « système » du verbe, remarquablement mis en lumière et exploité par Le système verbal du français, de J. Pinchon et B. Coûté (Nathan, 1981) ; il y est démontré qu'on peut, à partir de l'indicatif présent, créer presque toutes les autres séries verbales, et que de nombreuses cohérences structurent notre conjugaison, souvent présentée comme ébouriffante (1 r, 2 f).
Ces réserves faites2, butineurs et butineuses trouveront de quoi faire leur miel. Que dissimule le sigle GSM ? Ecrira-t-on indifféremment Ah ! Ou Ha ! ? Qu'est-ce qu'un a crolle ? Nouveau-né et premier-né ont-ils des pluriels parallèles ? Tolèrera-t-on « à cause que » ? Qu'est-ce qui différencie camping-car, motor-home et mobile-home ? Pourquoi un célèbre cabaretier parisien a-t-il donné son nom, en Wallonie, à un filtre à café en tissu ? Un tire-fesse en laisse-t-il une en plan ? (Disons, entre parenthèses, que l'humour n'irradie guère ces pages, qui condamnent comme « ahurissante » l'irrévérencieuse réécriture de « Je ne le connais ni d'Eve ni d'Adam » en « Je ne le connais ni des lèvres ni des dents ».) Les heureux possesseurs d'un PC ou d'un Mac vont prendre leur pied avec le dictionnaire électronique. Convivialité. Multiplication des chemins d'accès (plus de 15 000 liens) et des types de recherche. Personnalisation de l'outil : libre à l'utilisateur de composer son propre dictionnaire en sélectionnant les difficultés le plus souvent éprouvées. Diversité de l'information : l'écran permet de comparer les fiches grammaticale et lexicale du même problème. Un jeu de cascades se déroule sur l'écran : 1) la difficulté concerne-t-elle le mot, la phrase ou l'usage ? 2) S'il s'agit du mot, par exemple, le problème se pose-t-il en orthographe, en variation de genre ou de nombre, en conjugaison, en prononciation, en sémantique ? 3) Supposons une difficulté orthographique : concerne-t-elle les redoublements, les séquences de lettres, les accents et cédilles, les variations orthographiques, les mots composés et le trait d'union, les formes abrégées, les majuscules, les césures, les adverbes en -ment ? En tout, pour le mot, la phrase et l'usage : plus de cent sujets traités. Exemples.
Comment écrire « dithyrambique » ? Sélectionnant la recherche « floue », j'écris « ditirembique » dans le moteur de recherche, qui me renvoie illico à la graphie correcte. Comment prononcer « jungle » ? Je clique successivement mot, prononciation, mots prononcés, où j'obtiens une liste à parcourir ; nouveau clic sur « jungle » : la partie droite de l'écran m'apprend : « pron. on ou couramment un » ; autre clic sur le haut-parleur : deux voix, l'une masculine, l'autre féminine, prononcent le mot. Quel est le futur simple de « tressaillir » : mot / conjugaison / formes remarquables ; s'affiche une liste de verbes ; sélection de « tressaillir » — on m'avertit de prêter attention au futur et au conditionnel — ; clic sur l'icône représentant la conjugaison in extenso (formes simples) du verbe : tressaillirai3. Comment demander la date ? Je pourrais dire : « Le combien est-on ? » Une surbrillance apparaît sur « combien » ; clic : le mot est substantivé, et la tournure familière. Quels sont les belgicismes ? Clic : une liste ; utilise-t-on indifféremment savoir et pouvoir ? L'écran s'interroge : la tournure est-elle régionale ? Il compare ensuite les emplois selon que le verbe s'applique à des choses ou à des personnes. Dois-je élider « ouate » ? Elision, ouate : l'élision est facultative et fréquente — de l'ouate ou de la ouate. On l'aura, je l'espère, compris : ce cède-rhum n'est rien moins 4 qu'un grand cru (pas d'accent), très (parfois trop ?) bien élevé, généreux ; il a de la cuisse : à consommer sans modération.
Pol Charles
1. Un seul trait d'union ? Deux ? On consulte la version papier à « Trait d'union », qui renvoie à « Pronoms personnels », d'où l'on passe à « Impératif, 2 » pour se voir conseiller « Deux traits d'union s'il n'y a pas d'apostrophe. »
2. J'en ajouterai une : tantôt le Hanse-Blampain ignore l'alphabet phonétique international et conseille la prononciation « djio » pour « à giorno », tantôt note [û] comme dans « peur », et [0] comme dans « jeu ».
3. Je m'étonne de ne pas rencontrer « tressaillerai », qu'on lit chez Sand et Musset (tiens,tiens...), mais aussi chez Barrés.
4. « Nous conseillons de ne pas recourir à cette expression. »