Edith SOONCKINDT
Le bûcher des anges
éd. Hors Commerce
coll. Hors Bleu
2002
115 p.
La quête de l'ange
Françoise Mallet-Joris intitula naguère un de ses livres Le clin d'œil de l'ange. D'Anvers à Nantucket, les sept histoires qu'elle y nouait avaient en partage cet instant, rapide comme l'éclair, où une vérité secrète, une autre destinée possible se dévoilent à nous. Intuition déchirante ou chance magique : l'ange nous fait signe, déjoue les pièges de l'habitude, ouvre une porte invisible...
L'ange que cherche et appelle le petit garçon solitaire et rêveur dont Edith Soonckindt suit la quête dans Le bûcher des anges longtemps se dérobe. Se tait. Est-ce en se penchant pour mieux entendre le sien que la petite voisine d'en face est tombée par la fenêtre ? L'image hante le petit Jean, qui aspire à s'envoler aussi, loin de l'ennui des jours vides, des adultes qui comprennent toujours trop tard la détresse des enfants. A 7 ans déjà, on remue l'eau douce des souvenirs, on se sent orphelin des maisons et des rues que l'on a dû quitter. Au point d'hésiter entre le ciel et la terre, lové au creux de la-maladie-de-la-presque-mort d'où seul vous arrache l'espoir invincible d'atteindre un jour la Patagonie, la fin d'un monde tel qu'on le connaîtrait.
A 20 ans, on cherche toujours, cœur éperdu, la trace des pas anciens, des années oubliées, pour que la vie puisse recommencer. Je suis à moi seul tous les grands enfants abandonnés du monde pense Jean.
Sa longue errance s'achève sur le rivage lointain de tous les espoirs, qui est aussi celui du supplice des anges... Préfacier enflammé de ce conte initiatique étrange et cruel, Marcel Moreau en chante la poésie sublime et équivoque ; les scansions graves et prégnantes.
J'aurais voulu, à mon tour, me laisser porter par ce premier roman d'Edith Soonckindt, conçu comme une offrande aux mémoires des grands marins, cap-hornier, pêcheur d'Islande ou terre-neuvas, de sa famille (pourquoi n'a-t-elle pas gardé leur beau nom, Soonckindt, plein de sens en vieux flamand ?). Est-ce l'histoire qui a retenu mon élan : compliquée à l'excès, cultivant la bizarrerie, les obsessions macabres ? L'écriture, parfois belle dans son rythme incantatoire, son lyrisme sombre, mais souvent approximative, et affligée d'une ponctuation biscornue ?
Dommage : il y avait une justesse émouvante dans les premiers chapitres, imprégnés de la solitude et de la tristesse inconsolable des enfants perdus. Enfant trop petit malhabile, maudit. Etranger toujours tu seras, aux autres et à toi-même, même les chemins qui mènent au cœur, seront pour toi ceux de l'oubli.
Francine Ghysen