Jean-Luc FONCK
Nouvelles histoires à délire debout
Bruxelles
Casterman
coll. C'est pour offrir
2004
188 p.
Jean-Luc Fonck, cracheur de mots
Philippe Geluck publie dans sa collection « C'est pour offrir » chez Casterman le deuxième opus de Jean-Luc Fonck, Nouvelles histoires à délire debout, opus au sujet duquel l'auteur lui-même ne tarit pas d'éloges puisqu'il s'est auto-remis « le prix Jean-Luc Fonck pour son meilleur livre. ». Le directeur de collection confirme : Jean-Luc Fonck, c'est Victor Hugo à Torremolinos, le fils caché d'Agatha Christie et de René Magritte, le Godot de l'inattendu, le Frank Sinatra de la littérature. Oserions-nous ajouter que notre Sttellla national doit contenir en outre quelques gènes de Tintin, des Dupond-Dupont et d'Annie Cordy, mais qu'il pourrait aussi être le rejeton posthume de Simenon (pour la simplicité du verbe) et de Joséphine Baker (pour les bananes), parrainés par Stephen King (pour le fantastique) ? Jean-Luc Fonck, l'auteur-compositeur-interprète de Sttella, l'allumé.be, le Belge délirant du jeu des dictionnaires, le « Beethoven du calembour léger » fait donc aujourd'hui de la prose. Fin 2002, déjà, la maladie de l'écriture romanesque avait frappé, procurant au monde unanimement (enfin, presque) ébloui une tripotée de nouvelles. En 2004, le syndrome s'est confirmé : voici six nouvelles nouvelles dont on ne fait qu'une bouchée ! Ces six histoires-ci retracent les mille et une (en)vies d'un certain Hubert. Première nouvelle : ses parents l'abandonnent lâchement. Deuxième histoire : Hubert devient ceinture à l'huile à l'académie des Beaux-Arts, rencontre Judith, devient recordman du coma. Puis, au numéro trois, il fréquente Monsieur et Madame Dominique à la résidence des Coquelicots où il est interné depuis plus de dix ans. Enfin, Monsieur Hubert devient poinçonneur sur la ligne 816 et il y croise Olga, Margaritasse et un certain Landru. Dans les nuages, la nouvelle numéro cinq, nous emmène dans un long flash-back où notre Hubert semble doté de pouvoirs surnaturels qui font disparaître les profs. Mais tout se termine bien grâce au sixième récit : le voyage de noce (qui avait mal commencé) finit allègrement. Hubert, abandonné par sa fiancée, rencontre Marguerite grâce à une petite annonce et Georges grâce à une panne du bus qui les emmène à Bon Port, le lieu de leur idyllique voyage de noce. On ne vous en raconte pas plus, ce serait trop triste de déflorer les sujets. Mais vous voyez ici que l'auteur maîtrise toutes les techniques narratives y compris celle du « flash back ». Sachez simplement que Jean-Luc Fonck agrémente les textes de ses nouvelles de photos très illustratives qui révèlent tout à fait sa tournure d'esprit : marier l'évidence, le pied de la lettre, et l'impossible, auquel nul n'est tenu. Ainsi, Hubert est-il prêt à « agrafer son cas » à la vue d'une agrafeuse ; en courant très vite les héros réussissent à semer le gazon avant de s'apercevoir qu'ils sont découverts (trouvez les images qui correspondent !) ; les légendes des photos sont tout un poème... Si l'on aime l'absurde, les Monty Python et Sttella, on aimera les Histoires à délire debout. On ne vous trompe pas sur la marchandise, c'est du pur délire. C'est d'une simplicité extrême, le talent, c'est d'associer l'inassociable comme le fait un tableau de Magritte. Fantastique, mon cher Jean-Luc !
Nicole Widart