Guy MONTENS
H. V. T. The Hysterical Visionary Tour
Maelström
Images d'Yvoires
2002
200 p.
Un philosophe en Toscane
H.V.T., à l'image de ce titre énigmatique. Premier repère : H.V.T., Chronique d'une empathie annoncée, livre publié au début de cette année 2002 par Guy Montens, fait partie de la collection Maelström dirigée par David Giannoni chez Images d'Yvoires : « (...) ces écritures du Maelström jaillissent de l'imaginaire et de son inscription dans le réel. Jouissances et souffrances, rêves et surréalités d'aventures qui sont les expériences en chemin de chercheurs de Vie, dans une humanité ô combien souterraine », telle est la philosophie de la collection. Deuxième clef, les maigres données biographiques qui racontent Guy Montens : né en 1965, il est agrégé de philosophie, « alterne une vie de chômeur complet indemnisé et une vie de papa à temps partiel ». Voici une formation justifiant en partie les notes explicatives qui éclairent en fin d'ouvrage l'usage de certains mots voire de certains concepts. Mais n'allez pas croire que H. V. T. soit un livre destiné aux philosophes : non, Guy Montens raconte un épisode de vie en Toscane, un tournage pour le moins déjanté, juste avant l'éclipse du 11 août 1999. Claudio Serughetti, musicien et réalisateur, a mis au point un scénario très judicieux pour réussir ses vacances. Il propose à une petite trentaine d'artistes « égopathes » de le suivre en Toscane dans une magnifique propriété pour y tourner un film. La contribution de chacun est modeste : moins de 500 euros... Ecrivains, plasticiens, danseurs, comédiens... vont vivre quinze jours de permis de déconner pour réaliser ce Hysterical Visionary Tour qu'on leur a fait miroiter. Pour créer l'ambiance, Claudio a enregistré un rap dont le meilleur morceau s'intitule : « Tu vas créer imbécile... crée crapule ! » Tout un programme, que détaillera minutieusement Guy Montens dans une chronique acide de ces vacances toscanes. Comme le veut l'esprit de la collection, on trouve ici des éléments issus du réel. Guy Montens évoque tantôt un contact avec le ministre Jean-Marc Nollet au moment de la guerre du Golfe, une rencontre avec la comédienne Laurence Vielle à l'occasion d'un concert. Le réel débarque également lorsqu'il cite Compère ou Marcel Moreau, ou les journaux, le Herald Tribune, Le Monde, lorsqu'il rappelle les stratégies du PTB, raconte des histoires du passé à Louvain-la-Neuve. L'affaire Antonio Negri, Cuba, la Palestine, le mouvement écolo... : autant d'occasion pour le philosophe-écrivain de donner sa vision des choses. Au fil des jours et des rencontres, des éclairs entre le jeu et le hasard, on en apprend aussi beaucoup sur sa conception de l'amour, de la féminité, de l'adolescence, de la politique, de l'art, du voyage. Le dispositif du tournage, lui, semble assez mal ficelé. Est-ce la vision du narrateur qui le rend ainsi, très improbable ? Ce séjour à la villa Santo Ippolito n'est-il que le camouflage d'un club de rencontre pour trentenaires marginaux ? Est-ce un psychodrame géant organisé par un cinéaste psychopathe avec des artistes égopathes ? Qui pourrait faire la part du réel et de l'imaginaire ? En tout cas, au fil du voyage, Claudio, le cinéaste-organisateur devient, selon le narrateur, l'insupportable Clawdio le mégalomaniaque : l’Hysterical Visionary Tour, ce n'est pas du gâteau !
Nicole Widart