Anne-Michèle HAMESSE
Bella disparue
Avin
Editions Luce Wilquin
coll. « Sméraldine»
1997
176 p.
Des amours tranquilles
Pour tout romancier le rêve est certainement d'écrire ce qu'il convient d'appeler une simple histoire d'amour : qu'elle soit épurée, bouleversante, qu'elle prenne le lecteur dans des rets toujours plus serrés, qu'elle rompe avec la banalité des jours, avec le sordide de nos trop réels parcours sentimentaux. Avec Bella disparue, Anne-Michèle Hamesse s'est essayée à ce périlleux exercice, qui conduit aussi bien aux classiques qu'au rayon Harlequin. Clément aime Bella d'une passion obsédante, propre à le rendre gauche et suspicieux. Il a rendez-vous avec elle, un matin, dans un appartement dont elle veut céder le bail. Bella ne viendra pas. Elle ne sera pas là au terme de cette longue et harassante journée et ne perdra rien de son mystère. Clément reste aux prises avec les locataires potentiels, tous plus ou moins farfelus. Il doit surtout affronter l'indiscrétion de Madeleine, la vieille voisine, qui lui impose ses souvenirs, sa rancœur et son cynisme. Alors qu'il ne pense qu'à son énigmatique maîtresse, dont l'absence l'angoisse, Madeleine le rabroue, se moque de son inquiétude et lui parle d'Hortense, sa sœur au seuil de la mort, tellement détestée depuis une ancienne trahison, un premier amour volé et perdu désespérément. Clément découvre en Hortense un double de Bella, impérieuse et belle, comme elle insaisissable « dévoreuse d'hommes ». De ce qu'il est arrivé à Bella, le roman ne dévoile pas tous les secrets. Des écarts s'instituent qui rompent la cohérence de la trame ; la vérité devient fragile, la réalité intangible. De Bella, Madeleine sait ce que Clément ignore ou feint d'ignorer — ou ce qu'il ne sait pas encore mais qui peut, de toutes façons, se révéler inexact. Bella ne reviendra pas, mais la conformité alentour aura tremblé, chancelant vers un fantastique nourri de décalages a priori anodins. Il n'est pas certain, toutefois, que la dernière œuvre d'Anne-Michèle Hamesse sorte de l'ordinaire. Qu'il advienne une chose ou une autre à Bella, à Clément, à Madeleine, on cesse très vite de s'y intéresser. Hormis Madeleine, les personnages sont dépourvus de passé et privés de la moindre épaisseur psychologique. Ils ne sont guère plus riches d'actions signifiantes. On aurait osé espérer que la disparition de Bella nous tienne en haleine quelques pages. Qu'Hortense ait finalement passé plusieurs années dans les bras d'un chanoine aurait pu nous faire sourire. Que Clément brûle de désir inassouvi pour une ombre, pour une poupée diaphane, on aurait aimé y croire, mais l'écriture ne nous aide pas. Le ton s'avère trop souvent doucereux voire explicatif. Il manque une vraie sécheresse, apte à étaler les faits crûment, cruellement, sans commentaire ni ébauche d'introspection. Que chaque protagoniste ne soit qu'un geste, une parole et que, surtout, rien ne se dilue.
Laurent Robert