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Critiques de livres

Frank Andriat et André-Paul Duchâteau
Le coupable rêvé
Namur
Mijade
2007
144 p.

Des livres en transit de Mémor à Mijade
par Karel Logist
Le Carnet et les Instants n° 150

Une vingtaine de titres de la collection Couleurs, des Éditions Mémor sont récemment venus grossir le catalogue des Éditions Mijade, en intégrant la collection Mijade Ado. Michel Demeulenaere, le directeur de cette maison qui fête cette année ses quinze ans, a pour objectif dans les années à venir d'implanter durablement ces nouveaux titres en France. Un défi important quand on sait qu'aujourd'hui 90 % de son chiffre d'affaires est réalisé à l'étranger.

Mijade Ado fait écrire – à l'exception notoire de deux romans d'Armel Job, qui sont des rééditions – par des auteurs aguerris des romans mettant en scène les difficultés d'être un(e) adolescent(e). Au travers de fictions, ces romanciers sont supposés aborder des thématiques et proposer, sinon des solutions, du moins des pistes pour leurs jeunes lecteurs. D'emblée, la question qui se pose au critique est de savoir si, autour de thèmes préoccupants et de situations difficiles propres à cet âge, il faut produire une littérature « ciblée » pour les adolescents ou s'il ne serait pas plus judicieux de leur faire lire des livres « tout public » qui abordent par la bande ces problématiques…

Quoi qu'il en soit, portons notre regard sur deux romans que Mijade Ado vient de faire paraître.

Familles recomposées, obésité, difficulté pour les adolescents de communiquer avec parents et grands-parents, premiers émois amoureux, ce sont là des sujets que des auteurs chevronnés ont choisi d'exposer de manière frontale, avec un bonheur inégal, dans deux courts romans « pour » les adolescents entre douze et seize ans.

Évelyne Wilwerth
Trop moche pour toi
Namur
Mijade
2007
144 p.

Familles recomposées, obésité, difficulté pour les adolescents de communiquer avec parents et grands-parents, premiers émois amoureux, ce sont là des sujets que des auteurs chevronnés ont choisi d'exposer de manière frontale, avec un bonheur inégal, dans deux courts romans « pour » les adolescents entre douze et seize ans.

Dans Le coupable rêvé, deux écrivains, André-Paul Duchâteau au scénario et Frank Andriat à l'écriture, nous livrent le portrait de Tommy, un adolescent attachant qui vit, pour le meilleur et pour le pire, avec son père divorcé, malheureux en amour. Ce père, professeur de français, se voit accusé du passage à tabac de Daniel, la « terreur de l'école », en d'autres mots un véritable gamin de merde, qui a l'habitude de marchander ses conseils en mésententes conjugales. Or, il se fait que la mère de ce Daniel est la nouvelle petite amie du papa de Tommy ! Il s'ensuit que le papa de Tommy, pour prouver son innocence, n'aura d'autre choix que de trouver le vrai coupable, avec l'aide de son fils et d'un de ses collègues, également enseignant. En même temps, Tommy vit son premier amour. Si l'histoire est rapide et rondement menée, le lexique est parfois désuet et a l'air de chercher une juste voie entre divers pays de la francophonie. Et malheureusement on ne s'intéresse pas vraiment au sort de ce père désespérément pleurnichard et incapable de se contrôler… On se pose d'ailleurs des questions sur le rôle des « adultes » qui traversent ce roman. Tous, y compris les policiers des deux sexes, plus bêtes que ripoux, sont plutôt de pitoyables adulescents, perdus et sans repères. Et la déception est à son comble quand l'histoire, malgré les rebondissements, s'enlise dans des vengeances disproportionnées pour des crimes invraisemblables…

Les personnages d'Evelyne Wilwerth, qui a l'intelligence de mettre un brin d'humour dans une histoire à priori très dure elle aussi, sont plus convaincants.

Pervenche, quatorze ans et des bourrelets, se trouve obèse ; elle se nourrit de « manons » et déprime gravement. Quand Zoa, sa grand-mère excentrique au passé aventureux, encore séduisante, lui propose tout à trac un séjour en Turquie, elle se trouve embarquée presque malgré elle. Mal dans sa peau, l'adolescente restera enfermée à l'hôtel Comète dont elle ne sortira que pour contempler… un égout, jusqu'au jour où la grand-mère disparaît à l'autre bout du pays, victime d'un séisme !

Evelyne Wilwerth, qui chante par ailleurs le bonheur des rides, a réussi un livre sur l'éternelle jeunesse, plein d'espoir et de poésie, exempt de niaiserie et riche de messages positifs. La jeune Pervenche reprendra confiance en elle, retrouvera sa fierté, et grâce à ce voyage, en quelque sorte initiatique, aura enfin l'impression qu'il lui sera possible de « sortir de sa bogue et de s'épanouir».

Ce sont là, me semble-t-il, deux livres on ne peut plus différents, tant par le traitement de l'action que par la connaissance des problèmes de l'adolescence. À nos jeunes lecteurs de les lire et de se faire à leur tour un jugement.