pdl

Critiques de livres

Francis Dannemark (dir.)
L'école des Belges. Dix romanciers d'aujourd'hui
Bègles
Le Castor astral
coll. "Escale des Lettres"
2007
138 p.

Scolaire et gai
par Thierry Detienne
Le Carnet et les Instants n° 147

Il fallait y penser. Et trouver la manière de donner un coup de jeune au genre. Les manuels qui passent en revue les auteurs contemporains sont souvent décevants. Le survol que le genre impose est d'ordinaire inégal et biaisé par le point de vue unique de l'auteur du portrait. Le premier tome de L'école des Belges prend ses distances visà- vis de l'exercice habituel et renonce tout d'abord à la tentation encyclopédique, à la description exhaustive. Il sélectionne dix écrivains : André-Marcel Adamek, Philippe Blasband, Francis Dannemark, Xavier Deutsch, Thomas Gunzig, Xavier Hanotte, Armel Job, Amélie Nothomb, Bernard Tirtiaux et Jean-Philippe Toussaint. Tout en précisant que ce tome est un premier et que d' autres suivront qui seront construits sur le même principe. Ce choix n'est pas justifié autrement que par le souci de parler d'écrivains belges francophones nés après 1945 et qui ont acquis un lectorat significatif. Mais c'est la méthode d'élaboration du recueil qui retient d'emblée l'attention. Inutile de parler de tout, de survoler l'œuvre entière d'un écrivain pour en proposer une approche. Ce parti-pris impressionniste fait donc retenir deux ou trois extraits seulement d'une page environ qui permettent au lecteur de s'immerger. Trop peu pour tout cerner, assez pour humer l'air et la saveur d'un instantané. La profondeur est à trouver ailleurs car c'est précisément dans le croisement des points de vue que ce recueil innove puisque chaque écrivain approché rassemble autour de lui plusieurs personnes : outre la contribution attendue d'un analyste, on y lit aussi le point de vue d'un enseignant, d'un libraire et d'un critique, ces passeurs de livres qui font la notoriété d'une œuvre et qui activent le puissant bouche-à-oreille. Sans oublier l'auteur lui-même qui est mis à contribution pour rédiger sa propre biographie et pour répondre à la question incontournable et très personnelle du «Pourquoi écrire?». Les élèves appliqués nous ont réservé quelques perles. Outre les dix auteurs ainsi sollicités, c'est donc près de quarante personnes qui visitent leurs œuvres en croisant leurs regards spécifiques. Vous aurez fait le compte : avec une douzaine de pages par auteur, l'exercice impose que chacun aille à l'essentiel sans détour, en quelques lignes parfois. Cette contrainte donne à l'ouvrage un rythme plaisant et vif qui en facilite la lecture. Dans ce kaléidoscope, il y a peu de place pour les jugements définitifs ou les classements en écoles – surtout pas belges – et courants imposés ordinairement. Le portrait d'un écrivain se construit par touches successives dont les échos renvoient à la complexité. S'y renforce l'idée que la littérature francophone de Belgique grandit sous nos yeux portée par ses écrivains et ses lecteurs, dans ce grand foisonnement déraisonnable que d'autres contrées sages nous envient de plus en plus.