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Critiques de livres


Jean-Pierre BOURS
La nuit du jugement
Ottignies
Quorum
1996
214 p.

Jack l'éventreur a encore frappé

Avis aux futurs lecteurs de ce roman à suspens : si vous voulez y plonger sans méfiance, oubliez le titre convenu (La nuit du jugement) et dépassez rapidement les quelques pages du premier chapitre un peu trop chargées de signes. Jean-Pierre Bours y installe le climat si scolairement que nous nous disons que ne va pas arriver ce qui doit arriver. Mais si, l'in­firmière se fait bien « trancher la gorge d'une oreille à l'autre », juste avant de quit­ter la rue Féronstrée (Liège) et de débou­cher sur la place du Marché. Dès le deuxième chapitre, nous entrons vraiment dans le vif du sujet. Nous sommes au tribu­nal pour le jugement d'un petit malfrat, Alexandre Puraye. Il n'a rien à voir dans les meurtres (déjà trois) commis par un Jack l'éventreur de cette fin de siècle, il est jugé pour un autre délit mais il offre aux deux axes principaux du roman l'occasion de se profiler en donnant le nom d'un premier suspect (premier axe : comment faire endos­ser à des innocents (?) la peau d'un tueur en série) et en permettant à trois des person­nages principaux d'entrer en scène : le juge de la Transe, magistrat d'un autre siècle, compositeur de symphonies et de cantates, sa substitute (féminin assumé par l'auteur) Véronique Janin, Pierre Braudel l'avocat (deuxième axe : propositions pour une éthique du monde judiciaire). Si, bien évi­demment, le suspens est maintenu adroite­ment, si l'auteur joue avec ses lecteurs, les emmène là où il veut (nous aimons ça : re­trouver une lecture ludique), l'enquête et les victimes occupent assez peu de place. Elle est réservée à suivre les bras de fer de l'avocat avec la justice, avec l'amour. A re­poser les questions déontologiques qui guident les professions de la justice, questions qui doivent régulièrement assaillir Jean-Pierre Bours, avocat de profession. Et quand arrive la fin, nous ne ressentons pas la déception inhérente au roman policier. L'identité de ce Jack l'éventreur de cette fin de siècle n'est pas révélée comme « un diable qui sort de sa boîte » (cf. Le roman policier ou la modernité de Jacques Dubois). Il peut encore trucider, là où nous avions oublié qu'il truciderait...

Michel Zumkir