pdl

Critiques de livres


Nadine MONFILS
Laura Colombe, contes pour petites filles perverses
avec des illustrations originales de Léonor Fini
L'Atelier des brisants
HC éditeur
160 p.

Vacances romaines

A partir du moment où le commis­saire Léon conçut l'idée saugrenue de tricoter une toge romaine pour son cabot de la butte Montmartre, on pou­vait craindre le pire. D'accord. C'est de mauvais goût. Le Tempo di Roma de Nadine Monfils n'est pas précisément celui d'Alexis Curvers... Mais enfin, ce qui a mauvais goût a du goût : au moins, on ne lui chica­nera pas ce mérite. Ici, le goût d'un polar spaghetti relevé de stoemp marollien et d'andouillettes montmartroises. Genre litté­raire rigoureusement inédit. Estomacs déli­cats s'abstenir : c'est du roboratif ! Monfils, ce n'est pas Sade (quel mirobolant farfelu la surnomma jadis « la petite Sadette » ?), ce n'est pas Henry Miller, ce n'est pas les Pieds-Nickelés, ce n'est pas Michael Connelly, ce n'est pas Manchette, ce n'est pas San-Antonio, mais c'est un peu tout ça. Les rubiconds faux nez d'un clown peut-être assassin, qui invite les enquêteurs à reconsti­tuer le puzzle formé par les noms de ses vic­times. Des filles et un prêtre décapités et aux langues tranchées puis fumées dans un sacré secret saloir (ressentiments de logopède frus­trée ou terreurs de petite orpheline ? On donne sa langue au chat). Quelques rosseries anticléricales : on n'oublie pas qu'on fut prof de morale. Des chapitres très ramassés qui déboulent à toute berzingue, des dialogues qui démarrent sur les chapeaux de roues (in médias res, disent les cuistres) et finissent par­fois sur les rotules, par la faute d'une plaisan­terie empruntée à l'almanach Vermot. L'une ou l'autre coucherie torride, mais vite embal­lée, circulez, y a rien à voir. Et des fantômes, des fantômes, des fantômes...


Nadine MONFILS
Les miroirs secrets de Bruges
HC éditeur
125 p.

Peut-être, comme le prétend Bernard Frank (Portraits et aphorismes, Le Cherche-Midi), la littérature française n'est-elle aujourd'hui si maussade, si asthénique, si chlorotique, que parce que ses romanciers ne s'amusent pas en écrivant. On peut supposer (en tout cas, on le lui souhaite) que Nadine Monfils prend son pied quand elle anime sa bande de drôles de pistolets : une Rose qui ne flashe que pour les boy-scouts, un travelo entiché d'un gladiateur, un pêcheur de poissons rouges dans la fontaine de Trevi, un nain qui croit aux belles images, un commissaire très tricoteur, un bistrotier de la rue Lepic, tout ça débarquant à Rome (qui en a vu d'autres) et bourlinguant du Colisée à la Piazza del Popolo, dévalant du Pincio jusqu'à l'Osteria Margutta, où Fel­lini et sa Gelsomina avaient leurs habitudes et le cinéaste sa chaise, pieusement conser­vée depuis. Le commissaire vous a-t-il confié qu'il était amoureux de la Massina ?

Pol Charles

Nadine MONFILS, Le fantôme de Fellini, Vauvenargues, 2001