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Critiques de livres


Anne-Marie DERÈSE
Le miel noir
Amay
L'Arbre à Paroles
1999
108 p.

La mère, la mort, l'amour... et puis ?

L’Arbre à Paroles, éditeur hebdoma­daire (!) de poésie vient de publier un recueil d'Anne-Marie Derèse, Le miel noir. En lisant la notice biobibliogra­phique, on comprend d'emblée que l'on ne nagera pas dans l'avant-garde. Les réfé­rences de l'écrivaine namuroise sont claires : Andrée Sodenkamp et, surtout, Alain Bos­quet, « LE POÈTE » dont on apprend qu'il déterminera son écriture. Le recueil s'ouvre sur une suite de quatorze textes (13 + 1) intitulée « Dans un réseau de gestes ». Le sujet est grave puisque l'auteure nous parle des derniers moments de sa Mère (la majuscule est dans le texte), disparue voici un peu plus d'un an. C'est dire si la douleur est encore présente, n'a pas eu le temps de se dissiper. L'on pourrait craindre dès lors d'être confronté à une poésie larmoyante, voire doloriste et l'on se réjouit de constater que ce n'est pas le cas. Certes, l'atmosphère n'est pas aux éclats de rire, mais Anne-Marie Derèse analyse ces moments de douleur nue avec une sorte de lucidité sereine. La vie, ici, ne tient même plus à un fil mais au compte-gouttes des médecines qui, lentement, conduisent aux bienheureux enfers.

La fille est là, au chevet, qui veille, qui se souvient, qui revit la mémoire perdue de celle qui s'en va, de celle qui, aujourd'hui, appelle sa fille ma Mère. Moments cruels qui font revivre le passé, les hiers, comme si toute l'existence n'avait été qu'un seul point, une seule seconde, lourdement con­densée. La Mère n'a plus d'autre mémoire que celle de son enfant. Une manière de survivre dès le premier instant suivant le dernier souffle (Moi, je sais / que chaque nuit / elle se promène / dans les vergers).

Ces textes denses, aux mots précis, auraient constitué une plaquette intéressante. De celle que l'on garde précieusement dans sa bibliothèque. Le reste de l'ouvrage parle d'amour qui redit des douleurs tendres. L'hommage à Alain Bosquet, LE POÈTE donc, tient presque de la vénération aveugle (l'écrivain meurt quatre jours avant la Mère, double deuil, double douleur et celle-ci pas encore suffisamment dissipée pour être maîtrisée en mots). Une vision quelque peu désuète de la poésie, du poète, de l'écriture présentée avec un zeste d'adoles­cente mystique. Ou de mystique adoles­cente. Dommage...

Joseph Orban