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La relève du Courrier

Après le tumulte qui a entouré la dis­parition du Courrier international d'Etudes Poétiques, deux nouvelles publications, nées de l'éclatement de l'équi­pe qui animait la revue de Fernand Verhesen, apparaissent en cette rentrée : Balises dirigée par Marc Quaghebeur et L'étrangère dirigée par Pierre-Yves Soucy. Ces deux revues ont bien sûr des points communs. Elles font appel à des collabora­tions internationales de premier plan sans négliger les auteurs belges — entre autres Christian Hubin et Luc Dellisse pour L'étrangère, Marcel Moreau et Michel Gheude pour Balises —, avec toutefois une repré­sentation plus massive de ceux-ci dans Balises. Elles bénéficient en outre de l'hospi­talité d'un éditeur : Didier Devillez pour Ba­lises et La Lettre volée pour L'étrangère. La comparaison s'arrête à peu près là car les dé­marches sont fondamentalement différentes. Balises a choisi l'abondance et le foisonne­ment (d'emblée le premier numéro est dou­ble) tandis que L'étrangère préfère la concen­tration et la densité. L'étrangère alterne les essais et les textes de création tandis que les textes de Balises se cantonnent à la réflexion théorique (même si elle émane parfois de créateurs). Les deux revues se démarquent du Courrier par une extension de leur domaine de re­cherche. Balises envisagera toutes les formes d'expression littéraire : « Balises n'entend pas se limiter à la poésie. Ni participer à la sacralisation dont celle-ci fait souvent l'objet depuis des décennies. Balises ne porte pas pour autant au pinacle le roman ou le théâtre, mais tente de susciter des dé­bats et de dessiner des chemins complexes ».

L'étrangère quant à elle inscrira les enjeux de la création poétique dans un cadre plus vaste incluant « tout ce qui touche à la pen­sée et l'expérience de création, en prenant la distance indispensable à l'égard des repré­sentations que la culture et la société ac­tuelles se donnent d'elles-mêmes ». Balises essayera « de demeurer fidèle à son étymologie (des points de lumière qui don­nent leur position) ». Ses numéros, un ou deux par an, seront thématiques, articulés autour d'une question ou d'une figure essen­tielle (« Politique et Style » pour le premier volume, « La crise de vers » pour le suivant). Pour sa part, L'étrangère approfondira, tous les quatre mois, la question qui la fonde, une question semble-t-il en friche puisque « tout reste à dire de l'étrangeté du réel d'autant que la parole qui exprime ce qui n'a pas été exprimé demeure étrangère à elle-même ». Donc, d'un côté, des sommes ponctuelles et, de l'autre, une réflexion continue. Au final, c'est le lecteur qui est gagnant. Il se voit proposer deux publications qui, loin d'être redondantes, sont complémentaires.  

Thierry Leroy