pdl

Critiques de livres


Gabriel RINGLET
L'Evangile d'un libre penseur
éd. Albin Michel
coll. Espaces Libres
2002
236 p.

Itinéraire d'un libre croyant

Prêtre depuis une trentaine d'années, professeur à l'Université catholique de Louvain, journaliste, écrivain, Ga­briel Ringlet en est intimement persuadé : il est temps de rapprocher les libres penseurs et les libres croyants.

Cette conviction habite son Evangile d'un libre penseur, paru en 1998 chez Albin Mi­chel, qui le réédite aujourd'hui au format de poche. Cet appel intrépide et vibrant, sinon provocateur, au dialogue entre chré­tiens et laïques a eu un grand retentisse­ment et suscité, on s'en doute, des débats houleux. La controverse n'est pas éteinte, comme en atteste le livre récent de Robert Joly, aussi radical que son titre : Libre pen­sée sans évangile (éd. Labor). Loin des polémiques, le chantre de La résis­tance intérieure, qui fit avec talent L’Eloge de la fragilité, retrace aujourd'hui son par­cours, l'histoire et le sens de son engage­ment, et cerne la place singulière où il se tient, au carrefour de l'Ecri­ture, de la littérature et de l'actualité.

Ma part de gravité n'est pas une autobiographie classique mais une mosaïque de souve­nirs, de repères, de portraits, d'expériences et de réflexions sous lesquels se dessine la dé­marche spirituelle originale d'un homme d'Eglise qui a su, dès ses études au Grand Séminaire de Liège, que la foi, même dans l'enthousiasme, serait d'abord et toujours une question, et que l'Evangile, loin de combler (sa) soif, n'ar­rêterait plus de la creuser. Trois parties, qui sont aussi les trois voies d'une recherche ardente, exigeante : Passion ou le temps de l'olivier, Inquiétude ou le temps du figuier, Contemplation ou le temps de la vigne.


Gabriel RINGLET
Ma part de gravité
éd. Albin Michel
coll. Spiritualités
2002
263 p.

Sous le feuillage de l'olivier, on découvre le chroniqueur du quotidien socialiste La Wallonie, passionné par les enjeux de la vul­garisation. Le professeur (Enseigner, n'est-ce pas aussi enflammer ? (...) Je pense que c'est mon vrai métier : enseigner). Le théologien en communication.

A l'ombre du figuier, Gabriel Ringlet exalte sa reconnaissance à l'égard des écrivains qui l'ont éclairé, accompagné. Il dresse notam­ment un très vivant, émouvant portrait de Jean Sulivan. Salue avec ferveur la théologie littéraire de Jean-Pierre Jossua, ce domini­cain qui a tout joué sur une certaine compré­hension de l'humanité de Dieu ; la théologie poétique, portée jusqu’à son incandescence, de Jean Grosjean. Et célèbre, en la littéra­ture, ce lieu désintéressé où se rejoignent un questionnement, une beauté, l'approfondissement d'une commune inquiétude, une aventure spirituelle, pour l'auteur mais aussi pour le lecteur qui y trouve parfois un che­min vers lui-même. Sans nous cacher que le travail de lire, comme celui d'écrire, appelle un combat dont on sort quelquefois vainqueur mais toujours blessé.

Enfin, sous l'invocation de la vigne, il nous fait vivre l'expérience, menée en équipe de­puis bientôt vingt ans, des Samedis du Prieuré Sainte-Marie qui, partant de l'idée fondamentale que l'Evangile n'est pas achevé, tente d'élaborer une spiritualité de l'actua­lité. De rapprocher la parole de Dieu et la parole du monde...

N'allez pas croire que la gravité exclue la lé­gèreté, la joie, l'impertinence. Gabriel Rin­glet appelle de tous ses vœux la mise sur pied, d'urgence, d’une Eglise pleine d'humour. Il ne ménage ni la piété sucreuse ni les adeptes d'un Dieu mollasson (il est des bonheurs béats et bêlants qui soulèvent le cœur). Et il n'a pas fini de savourer le mot lancé avec un grand éclat de rire par Monseigneur Leclercq, déjà âgé et retiré dans son ermi­tage : « L'Eglise ? Vous avez peur ? Allons, voilà deux mille ans qu'elle tient le coup, mal­gré les curés ! »

Au reste, dès son préambule, il nous recommandait, par la voix de son cher Jean Sulivan : Lisez-moi donc avec humour. Je ne suis pas toujours de mon avis.

Francine Ghysen