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Critiques de livres


Veronika MABARDI
Maisons d'enfance.
Illustrations de Réjane Hallet.
Ed. Luce Wilquin
2003
159 p.

Une maison c'est quand tu peux fermer la porte

Voici un livre qui se veut l'histoire d'enfances partagées, par la grâce et la force du récit qui les assemble. Il concrétise le programme lancé par le Centre culturel régional du Brabant wallon, pour sa saison 2002-2003, dédié à toute une série d'activités sociétales, sous l'intitulé Une sai­son particulière, voyage dans l'intimité. Sym­bole de l'intimité et de toute vie intérieure, la maison est devenue le champ privilégié d'Une saison particulière. Pour enquêter sur les maisons d'enfance d'un certain nombre d'individus, encore fallait-il qu'ils en aient eu ou connu une. Veronika Mabardi a ren­contré dix personnes, des hommes, des femmes et un enfant, de conditions sociales différentes, mais habitant toutes le Brabant wallon, qui ont accepté de bavarder avec elle et de lui confier leurs souvenirs. Ac­compagnée par la dessinatrice Réjane Hallet, qui a capté des images d'ambiance, l'auteure a provoqué puis noté les bavardages échangés et les a amalgamés à son propre journal intime. C'est donc son vécu, sa pa­role, traversés de toutes les conversations, qui nous sont rapportés et qui vont refléter une certaine idée de l'humanité. La première partie, intitulée « Carnet de bord », retrace le voyage, les rencontres, les impressions de celle qui enregistre avec in­térêt. Les récits croisés s'y entremêlent sans que rien ne distingue trop le poème de l'in­terview, sauf, parfois, le changement de ty­pographie. Le mélange est lisse mais chatoie de toutes les couleurs de la diversité. En fait, la narratrice, la rapporteuse s'est effor­cée d'ouvrir les portes comme elle a ouvert les bouches qui se sont mises à parler. Elle n'a cessé de réagir à ce qu'elle entendait des enfances rappelées, se souvenant aussi de la sienne et en superposant le récit aux autres. Ainsi, l'évidence a pris corps : écrire, c'est à la fois être un passeur et se transformer au gré de tout ce que l'on passe. La deuxième partie, ce sont les « Portes », celles qui n'ont pas changé, celles que l'on rouvre après tant d'années, celles qu'on ne pourra pas forcer, celles qu'on a oubliées. Ces portes refermées sur un intérieur où l'on voudrait plonger à nouveau, en soi comme avec d'autres et que l'on tente tout de même d'évoquer par bribes.

La dernière partie, « Inventaires », tente, précisément et par le menu, de collationner tout ce qui composait une vie d'autrefois et son décor : les questions qu'il faut (se) poser, le défilé des sensations, des lumières, des ombres, des individus et des foules. Les bruits, les odeurs, les objets, comme ces myosostis dans un petit carnet, le cri de la mère annonçant le repas bientôt prêt : « La pasta è collaaaaaataaaaaa ! »... Car tous ne parlant pas brabançon wallon, c'est ainsi que l'histoire avance. Et le reste est littérature.

Jeannine Paque