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Critiques de livres

Colette Nys-Mazure
L'âge de vivre
Paris
Desclée de Brouwer
coll. Littérature ouverte
2007
261 p.

Acquiescer à la vie
par Francine Ghysen
Le Carnet et les Instants n° 150

L'âge de vivre : n'est-ce pas au temps des vendanges que nous pouvons l'aborder le plus lucidement, le goûter le plus profondément? Colette Nys-Mazure le croit et, dans son dernier livre – lettre à soi-même, à ses lecteurs qu'elle traite en amis –, elle évoque les privilèges et les vertus, les beautés et les saveurs de l'arrière-saison. L'âge de vivre : l'art de vivre, de mûrir, de vieillir. («On ne nous a pas appris à vieillir.»)

«Je vous écris en avançant», «Je vous écris de la haute enfance», «Je vous écris d'un lieu de résistance», «Je vous écris d'amoureuse patience»… Les chapitres s'enroulent comme les couplets d'un chant de vie, qui frôle parfois le prêche. Colette Nys-Mazure nous engage à cultiver l'éveil aux autres, l'attention, la curiosité, l'imagination du coeur. Apprendre à composer plutôt qu'à opposer : action et contemplation, vie familiale et création personnelle, disponibilité et retraite en soi. Même si, s'avouant pétrie de contradictions, elle ne se berce pas d'illusions : «Tu n'atteindras jamais l'unité, la résolution des conflits, l'harmonie. Alors, tenter d'amadouer les contraires, jouer au pluriel.» Des mots reviennent, leitmotive d'une méditation chaleureuse, ouverte, sensible.

Amour. «L'amour fidèle n'est pas une aventure tous risques, un confort matériel, mais un pari fou, peut-être plus fou que le coup de foudre.»

Enfance. «Remonter et non retomber en enfance. [...] Il s'agit moins de revivre l'enfance que de vivre avec l'enfant en soi.»

Acceptation – qui ne se confond pas avec résignation. Nous libère et nous remet en mouvement.

Fragilité – qui se révèle féconde.

Résistance. À une société de l'apparence, de la performance. Au conformisme ambiant. Mais aussi, surtout, à l'indifférence. Aux démons intérieurs qui, insidieusement, rétrécissent notre horizon, minent nos forces, tarissent nos élans : angoisses, rancunes, frustrations, amertumes, regrets lancinants... «Je hais la nostalgie, ses regards langoureux par-dessus l'épaule, tournés vers l'arrière en d'infinis adieux», s'emporte- t-elle.

C'est pourtant un pincement à l'âme fort proche de la nostalgie qui nous touche dans une des pages qui sonnent le plus vrai, écho d'une promenade nocturne dans la maison aux chambres désertées. «Frisson de ce qui n'est plus : les enfants rêvant tout haut ou geignant dans leur sommeil; leur abandon, leur odeur. Accepter l'étape nouvelle. C'était “la maison”, puis “hors” de la maison; c'est “loin” de la maison jusqu'au jour où, par téléphone, ils répondront : “À la maison, tout va bien”, et vous mettrez du temps à comprendre que c'est de leur maison qu'ils parlent et non de la vôtre.»

L'honnêteté m'oblige à dire qu'elle ajoute : «Et c'est bien ainsi. Sans rien retenir frileusement, applaudir la vie qui se déploie et se décuple.»

Mais là, à tort ou à raison, je crois entendre, après l'émotion d'une confidence sur le vif, le discours apaisant, positif, sain et tonique d'un professeur de vie décidé à célébrer le consentement, la compréhension, l'émerveillement, la communion.

Inlassablement, elle invite à «s'ouvrir quotidiennement au miracle de la vie». À éprouver et partager ce «ravissement perpétuel» qu'elle nous assure (sans toujours nous convaincre!) «bien éloigné de la naïveté ou de la mièvrerie».

S'il fallait ne retenir qu'une exhortation de cet Âge de vivre, qui embrasse les couleurs, les senteurs d'hier et d'aujourd'hui, les absents et les présents, les fêtes et les deuils, je choisirais celle-ci : «Être à soi-même pour être davantage à l'autre.»