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Critiques de livres


Claude Semal en fanfare (CD)
Ed. Franc’ Amour.

Musique de (Belgique) sauvage

Les Editions Luc Pire diffusent en même temps un CD et un livre du même auteur. Sans doute est-ce encore, chez nous, une démarche peu commune, mais qui s'impose si Fauteur en question n'est autre que le chanteur et comédien Claude Semai. Pour en finir avec — La Belgique de Merckx à Marx rassemble une série de chroniques sur les sujets les plus divers et s'achève par une anthologie où figurent, parmi des chan­sons plus anciennes, la plupart des textes du nouveau disque Claude Semal en fanfare. Si, de l'un à l'autre, la forme de l'expression change, on trouve cependant des deux côtés les mêmes préoccupations, la même sensibi­lité généreuse et un constant souci de com­munication efficace, où l'humour suscite la complicité du lecteur-auditeur.


Claude SEMAL
Pour en finir avec — La Belgique de Merckx à Marx (livre)
1997
Ed. Luc Pire
160 p.

C'est le livre d'un homme qui fait le bilan du chemin accompli, en vérifiant si les convictions de sa jeunesse restent perti­nentes. A cet égard, toute une génération se reconnaîtra dans son parcours de militant (il collabora à l'organisation Pour le socia­lisme et fut l'un des permanents de la revue Pour) qui a vu mettre en cause les idéaux pour lesquels il s'était battu, mais qui ne désespère pas, pour autant, de voir un jour le monde devenir plus juste et fraternel. « C'est un pays petit / Aux frontières internes (...) / Où les vessies des porcs passent pour des lanternes », chantait-il en 1980. Aujourd'hui encore, il n'a pas de mots assez durs pour stigmatiser l'étroitesse de nos habitudes ou critiquer nos institutions, comme dans son chapitre « Pour en finir avec la monarchie » — laquelle constitue, à ses yeux, « une insulte permanente au progrès, à la rai­son et à la démocratie ». Les chroniques (mais ce terme rend mal l'aspect théâtral, enlevé de son écriture : certains textes furent d'ailleurs écrits pour la scène) lui servent à définir ra­tionnellement une vision du monde que, sans doute, il met en œuvre de façon plus intuitive dans ses chansons. Les unes et les autres s'éclairent donc mutuellement. Si l'univers qu'il dépeint a un goût familier de bière et d'amours déçues, qui s'en étonnera ? Chan­son populaire, musiques de fanfare (celle du groupe Cramique), mais fines et narquoises. L'essayiste a le sens des formules, le parolier le goût des assonances et des rimes riches, voire léonines (« t'es con comme un chicon / (...) comme un paparazzi / comme un fils à papa / comme un pape au balcon » ou, ailleurs, « djellaba » répondant à « de là-bas »). Leur ton à tous deux est volontiers provocateur, dans la grivoiserie comme dans la polémique. L'auteur et son jumeau musi­cien sont des enfants de la Belgique sau­vage. Qui s'en plaindra ?

Carmelo Virone