pdl

Critiques de livres


Colette NYS-MASURE
Traces et ferment
poèmes
avec Lucien Noullez
L'Arbre à Paroles
1998
52 p.

Un feu, un vrai

I1 y a, chez Colette Nys-Mazure, un en­thousiasme et une ouverture aux autres qui sont un bonheur rare, qu'on re­trouve avec plaisir. Mais si cet enthou­siasme se lit dans chacune de ses lignes, il se manifeste aussi dans la multiplication de ses projets et de ses collaborations, avec des peintres quand ce n'est pas avec d'autres poètes. Au point que le critique, au mo­ment d'en faire état, éprouve un peu de mal à rassembler le tout. Et même si les paru­tions récentes ne sont pas que d'écriture ré­cente, ni parfois très volumineuses, le re­censement donne le tournis. Commençons par Traces et ferment, ce dia­logue à Bible ouverte qu'elle pratique avec Lucien Noullez. Les deux auteurs y disent leur foi et l'écrivent en s'inspirant de versets. Pas de bondieuseries dans ceci mais bien les expressions d'une ferveur. « L'éblouissement de ce qui est / nous le pressentions ». Ou, de circonstance, « Verbe épars / à se partager, / à propager ».

Lettres d'appel, avec Françoise Lison-Leroy, a été écrit alors qu'elle était immobilisée. « Je cherche un écho, je tâtonne et balbutie, je béquille vers vous ». Toutes ces lettres sont de petits poèmes en prose dont les pre­miers mots, « Je vous écris », étaient impo­sés, par jeu. « Je vous écris d'une nuit d'encre violette, quand l'amitié rameute ses étoiles ».


Colette NYS-MASURE
Pas si sages ?
poèmes
avec Françoise Lison-Leroy
Les Petits Bleus du Buisson ardent
1999
40 p.

Pas si sages ? est destiné aux enfants ou aux jeunes adolescentes. C'est une galerie de portraits de jeunes filles pleins de tendresse. Ainsi, la charmeuse devant des bas résille : « Troquera-t-elle un jour / les socquettes de coton blanc / contre une séduction prête à filer ? » Ou la passionnée : « Elle voudrait saisir et garder / l'univers dans ses bras ».
Dans cette série de livres, Chant de feu est pour moi le plus beau, tant par la qualité du texte que par celle de sa présentation. Ecrit pour le catalogue d'une exposition consacrée au Cantique des cantiques, ce Chant est porté par la puissance du Cantique qui « s'élève dans l'allégresse / des espérances ras­sasiées ». L'inquiétude et la douceur d'amour « courant se hâtant vers le corps de l'autre » ou la plénitude qu'on connaît dans le texte originel trouvent un merveilleux écho dans ces poèmes. « pressentiment présage pro­messe / un pan d'éden entraperçu / dans l'embrasure du ciel ». Une belle sérénité. Voix de l'entente est né très simplement d'un petit carnet aperçu dans une vitrine. Il n'en fallait pas plus pour que le désir d'écrire s'installe et qu'elle le partage avec Pierre Dhainaut puisqu'il est si facile de faire voyager le petit carnet par la poste entre Froyennes et Dunkerque ! Ainsi commence « poème de rien / mots nuls / s'ils ne sont avivés / par nos souffles conjugués » et le carnet va et vient, de l'un à l'autre, pendant 20 pages où deux voix s'écrivent et se ré­pondent.


Colette NYS-MASURE
Palettes
poèmes
illustrations d'Alain Winance
Esperluète
1999
20 p.

Dans Palettes, avec des images d'Alain Winance, elle retrouve un quotidien qu'elle a déjà célébré. Ici, à petites touches (puis­qu'elle travaille avec un peintre !), elle dit les couleurs et les odeurs, de celles qui se créent ou se découvrent au jardin, en toutes saisons, ou d'autres qui s'inventent en per­manence à la cuisine. « La clarté pénètre dans la cuisine comme chez elle » et se prend au prisme des biseaux d'une carafe. Ailleurs, « La poire aux bruns incertains dresse son étendard au milieu des pommes replètes » ou encore les raisins bleus sur l'as­siette en faïence et le bol rouge qui a gardé, grâce aux mains du potier, une forme vi­vante.

Le plus épais des livres de la série n'est pas un ouvrage de création. Il s'agit de la trans­cription de son entretien avec Edmond Blattchen pour l'émission Noms de Dieux. Le bol rouge de la cuisine est toujours pré­sent, à travers cette attention aux choses et aux rêves des enfants sur lesquels elle s'ex­plique longuement. De Dieu aux fées, du grand méchant loup aux œufs de Pâques, de l'amour au mariage, de son enfance à ses lectures, Colette Nys-Mazure se raconte avec spontanéité, vivacité même, naturelle­ment. On pouvait la deviner à travers ses écrits et ses poèmes ; désormais, le portrait est familier et l'itinéraire connu. Ne reste plus qu'à retourner au poème. « La vie comme un raz-de-marée / sa poussée fer­tile » (Voix de l'entente).

Jack Keguenne

Colette NYS-MASURE,  Battements d'elles, nouvelles, Desclée de Brouwer, 2000, 133 p. / Les ombres et les jours, entretiens avec Edmond Blattchen, Alice éditions, 1999, 96 p. / Voix de l'entente, poèmes, avec Pierre Dhainaut, L'Arbre à Paroles, 1999, 21 p. / Lettres d'appel, poèmes, avec Françoise Lison-Leroy, Tétras-Lyre, 1998. / Chant de feu, poèmes, illus­trations d'Anne Leloup, Tétras-Lyre, 1999.