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Critiques de livres

Philippe DIEUDONNÉ
Icare au Grand Siècle
Namur
Les Éditions namuroises
2010
93 p.
12 €

Les fleurs du Parnasse
par Ghislain Cotton
Le Carnet et les Instants N°161

On comprend aisément que Philippe Dieudonné ait consacré un ouvrage à un personnage aussi brillant et multiple que Louis-Henri de Loménie, comte de Brienne. C’est que le propre vécu de l’auteur, depuis sa naissance à Couvin, en 1951, se signale lui aussi par une diversité majeure et un parcours à la fois buissonnier et mené tambour battant. Depuis les savants domaines de l’Histoire où il a glané un doctorat jusqu’à la fiction dont il fait son miel sans renoncer à faire parler le passé. Tout cela moyennant un crochet par l’enseignement et une carrière administrative qu’il poursuit aujourd’hui à Liège. Avec le ferme propos, on l’imagine, de ne pas imiter son personnage jusque dans la chute de cet Icare au Grand Siècle qui se brûla les ailes à trop s’approcher d’un roi nommé Soleil. Pour évoquer cette fulgurante trajectoire, Dieudonné, tout en puisant aux sources les plus autorisées, a, de son propre aveu, usé « de toutes les libertés du genre romanesque ». Et nous voilà partis pour un galop prodigieux à travers la jeunesse de ce fils premier-né du secrétaire d’Etat Henri de Loménie, et à travers les cours d’Europe jusqu’aux pieds du pape, en passant par la Scandinavie, l’Allemagne ou la Pologne. À 15 ans déjà, en 1651, il avait été nommé par Mazarin « conseiller d’Etat et, faveur rarissime, survivancier de la charge paternelle ». Il sut aussi s’attirer les faveurs du tout jeune roi Louis XIV jusqu’au jour où, ignorant les inclinations sentimentales du souverain, une dévotion clairement exprimée envers Louise de Lavallière le mit sur le chemin d’une disgrâce qui n’était que l’amorce de sa longue chute. Outre les intrigues de cour provoquées par sa superbe, un autre élément majeur allait précipiter sa perte : ses positions dans la tourmente provoquée par le jansénisme depuis le milieu de ce siècle. Du reste un des attraits et des intérêts du livre de Dieudonné réside, au passage, dans son approche de cette doctrine janséniste, de ses obédiences nuancées et de ses vicissitudes d’ordre religieux et politique. À 26 ans, lassé « du monde et de ses mirages », Louis-Henri entrait dans la société cléricale des oratoriens. Mais ses comportements et ses choix successifs allaient lui mettre à dos tant les milieux jansénistes que leurs opposants et jusqu’à ses propres parents. Et en 1674, le pouvoir le fera enfermer à Saint-Lazare, « section des prodigues et des déséquilibrés ». Pour avoir comme il l’a lui-même suggéré « trop cueilli les fleurs qui croissent sur le Parnasse ». Cette vie chaotique inspire à Dieudonné un livre où le regard romanesque est subtil et jouissif, dont le style est éblouissant d’élégance et d’alacrité, même si l’on se sent parfois quelque peu étourdi par l’avalanche des précisions historiques enchaînées à un rythme athlétique. Il reste aussi que cet ouvrage atteste la qualité des choix de la jeune maison des Éditions namuroises, spécialisée dans les premiers romans et à qui l’on doit déjà, entre autres titres, Les conquêtes véritables de Nicolas Marchal, notamment primé par les auditeurs de la RTBF.