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Critiques de livres

Patrick LEDENT
Joli coup
Clamart
Calliopées
2009
224 p.
15,75 €

Surprises
par Thierry Detienne
Le Carnet et les Instants N°161

Les recueils de nouvelles sont parfois des bouquets étonnants. Ils peuvent juxtaposer des textes disparates ou former une nébuleuse d’écrits que des fils plus ou moins invisibles raccrochent les uns aux autres. Ceux que nous tend Patrick Ledent varient volontiers par la forme, surtout par la longueur, mais ont en commun d’aligner des personnages qui semblent avoir une prédilection pour les marges des cahiers, ces endroits où l’on s’isole du flot de l’existence en n’étant pas trop sûr de vouloir y retourner. Par exemple après une rupture, la perte d’un travail ou le passage à la retraite. Ainsi, « La boucle », qui pourrait former à peu de chose près un roman bref, raconte l’histoire d’un homme licencié de son travail pour cause de délocalisation et qui décide de partir pour la Roumanie, nouveau lieu d’implantation de l’usine de chaussures qui l’employait. Toutes ses affaires vendues, les amarres larguées, riche de quelques milliers d’euros, il prend le train à la mémoire de l’Orient-Express et passe le réveillon de nouvel an dans son wagon-couchette. Sur place, il est le seul Français à avoir relevé le défi proposé. Mais il semble porté par une force de vie peu commune et évite les questions inutiles. Jusqu’au jour où les yeux d’une belle Roumaine lui sourient, l’entraînant dans une histoire dont il n’aura pas le dernier mot. Ce récit rondement mené est avant tout celui d’un homme, mais il plonge au cœur de la mondialisation de l’économie, de la marchandisation des relations, du gaspillage des ressources, des guerres qui pourrissent le monde. D’autres textes, bien plus brefs, font la part belle au procédé du « moment de bascule », ce point du récit qui prend le lecteur à revers et par surprise, imposant une suite inattendue. Place d’un coup au cocasse, à la farce, le timide se mue en filou et, perdant devenu gagnant, part dans un éclat de rire. L’automate d’une banque avale sans crier gare votre carte et bouscule tout le programme. Plus inquiétant : un homme que fascine la découpe des viandes installe la réplique d’une boucherie dans sa cave et y dépèce des animaux volés. Un hold-up dont l’employé de banque voudrait tirer profit prend une tournure inattendue, un meurtrier retrace avec délice le film de son méfait. À l’évidence, Patrick Ledent semble avoir pris beaucoup de plaisir à écrire ces textes parfois inégaux mais à l’univers attachant. Il a d’ailleurs séduit quelques jurys puisqu’il est précisé que six des dix-sept textes que compte ce recueil ont été primés à des occasions diverses. Affaire à suivre…