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Critiques de livres

Frédéric SAENEN
Dictionnaire du pamphlet
Gollion
Infolio éditions
2010
192 p.
10 €

Le temps du pamphlet
par Christian Libens
Le Carnet et les Instants N°164

Quand donc reviendra le temps du pamphlet ? Dans notre aujourd’hui si préoccupé de « politiquement correct », il reste le genre littéraire le plus délaissé. Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi dans le monde francophone. Le dernier ouvrage de Frédéric Saenen nous le rappelle à chacune des pages que compte son Dictionnaire du pamphlet.
Cent nonante pages pour un dictionnaire, c’est bien peu d’espace – et pourtant, quel profit l’auteur en a tiré ! – pour retenir les auteurs principaux d’un genre, sans en oublier les œuvres et les thèmes essentiels, d’autant qu’une longue et substantielle introduction en retrace la genèse. En effet, Saenen développe en une vingtaine de pages l’histoire du mot et de la chose, depuis la Révolution de 1789 jusqu’à l’ère d’Internet. Il y démontre, par exemple, que le pamphlet est bien un genre littéraire à part entière, comme il y démonte, parmi d’autres, le poncif selon lequel il s’agirait essentiellement d’un genre « de droite ».
Le dictionnaire proprement dit comporte cent entrées, pour la plupart des noms de pamphlétaires. A côté des attendus, tels les « terribles Léon », Bloy et Daudet, ou des « classiques », comme Paul-Louis Courier et Julien Benda, d’autres noms sont aujourd’hui oubliés ; quoi de plus normal dans un genre qui privilégie par nature l’actualité politique et philosophique ! Ainsi, qui se souvient du vicomte de Cormenin, du chanoine Chabauty ou d’un certain Chirac Auguste, pour en rester à la lettre C ? Et lorsqu’un patronyme éveille le souvenir, qu’évoque-t-il encore ? Quid aujourd’hui de Claude Tillier (l’auteur de l’épique Mon oncle Benjamin !), de Georges Darien (Biribi), voire de « notre » Robert Poulet (un seul autre compatriote est repris, Pol Vandromme) ?
Nombreux aussi sont les auteurs cités qui, d’abord romanciers, dramaturges ou poètes, n’ont illustré le genre pamphlétaire qu’en marge de leur œuvre. Faut-il rappeler le J’accuse de Zola, le Napoléon-le-Petit de Hugo, le Refus d’obéissance de Giono, Au-dessus de la mêlée de Rolland, Les grands cimetières sous la lune de Bernanos, La littérature à l’estomac de Gracq ? Faut-il aussi rappeler les « dévoyés de 40 », dont la plume pamphlétaire s’est souillée dans l’encre sombre du nazisme, comme Céline ou Rebatet ? Faut-il encore préciser que nombre de contemporains figurent dans ces pages (Debray comme Nabe, Jourde comme Soral) et que des extraits de textes judicieusement choisis permettent au lecteur « d’entendre sonner » la langue d’une trentaine de pamphlets célèbres ?
Ce qui offre en fait un vrai panorama anthologique du genre, rien de moins !