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Critiques de livres

André-Marcel ADAMEK
Randah, la fille aux cheveux rouges
Namur
Mijade
2011
144 p.
7 €

Les chemins de l’éveil
par Ghislain Cotton
Le Carnet et les Instants N°166

On sait avec quelle créativité poétique Adamek excelle à créer ou reconstituer des univers particuliers et souvent étranges. S’il a pu notamment explorer à sa façon la dévastation de notre planète « le jour d’après » dans La Grande Nuit, c’est à nos origines qu’il remonte avec Randah, la fille aux cheveux rouges. Et toujours avec le même souci de pénétrer en profondeur dans les gouffres de l’âme humaine. L’action se situe durant l’âge de la pierre, à ce niveau de la préhistoire où l’homme, cueilleur et chasseur monogame, a organisé une vie sociale uniquement basée, avec ses règles et ses tabous, sur la subsistance et la sécurité de la communauté, face aux dangers que représentent la nature et l’éventuel affrontement avec d’autres populations. Avec ses parents et son frère (qui deviendra chef de la tribu) et plus tard sa fille Yanokah, Randah, la narratrice – dans un nécessaire raccourci – vit, au fil de toute une vie et de péripéties intenses, les grandes découvertes qui amèneront l’homme à plus de confort de vie, mais aussi à un accroissement de son niveau de conscience, même s’il garde en lui ce gisement de cruauté qu’il n’a pas encore appris à dissimuler. Le hasard de la germination sauvage d’un « grain d’or », (le bleh), l’accoutume à l’agriculture. A la faveur de migrations obligées, il s’éveillera ensuite à la pêche en mer, à diverses techniques jusqu’à la découverte des secrets du métal : le fer, le bronze et aussi ce qu’un sage du cru décrit comme « un métal jaune et brillant qui conduira un jour tous les peuples du monde à leur perte ». Mais la tribu de Randah aura appris également, après des combats très meurtriers avec une communauté qui ne partage ni sa langue ni ses coutumes, qu’un bon accord vaut mieux qu’une mauvaise guerre. Ce qui n’empêche pas d’autres affrontements sanglants où la sauvagerie des mâles conduit certaines femmes (menées par Yanokah devenue leur reine) à inaugurer un féminisme qui, par réaction, se rapproche de la radicalité – féroce elle aussi – des Amazones de Penthésilée. Avant que Randah, succédant à sa fille, puisse se réclamer d’un bilan que l’on peut qualifier d’humaniste, en ayant « favorisé la connaissance, l’hospitalité et la paix ». L’histoire – qui pourrait être une fable pour aujourd’hui – lui a appris aussi que se frotter aux autres – même dans un contexte plutôt conflictuel – est un gage d’enrichissement. Mais si Adamek esquisse ainsi avec une subtile et inventive simplicité, le cheminement – et les dévoiements – de la conscience et du progrès humains, la part la plus émouvante de ce récit revient à la découverte de l’art. Et à sa résonance en continu dans les sentiments qui animent Randah depuis que le plus chétif des membres de la tribu a créé spontanément des formes avec de la glaise. Mais plus encore après qu’un étranger ait fait entendre dans la nuit des sons inconnus que son souffle tirait d’un os percé de six trous. Ainsi, ce pacifique inventeur de la musique deviendra-t-il « l’homme qui fit danser notre peuple ».