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Critiques de livres

Isabelle Bary
Le cadeau de Léa
Avin
Éditions Luce Wilquin
2007
252 p.

Un rôle difficile à tenir
par Thérèse Allard
Le Carnet et les Instants n° 151

Premier roman d'Isabelle Bary, Le cadeau de Léa raconte le cheminement de quatre amies à l'ap­proche de la quarantaine. Un cadeau que trois d'entre elles offrent à Léa pour ses trente-six ans en constituera le point de départ. Peu banal, ce cadeau. Il s'agit d'un rendez-vous dans une cave pour y rencontrer un homme. Cette rencontre sera décisive. C'est au travers du journal que Léa écrit à une confidente fictive que le lecteur saisira toute la portée de ce cheminement.

Dans leur quotidien, les amies possèdent quasi tout. Mari, enfants, travail loisirs. Sauf l'essentiel. «Je voudrais être moi», écrit Léa. Et toujours il leur faut courir, essayer d'arriver à temps pour vivre, ce qui ne les empêche pas d'éprouver la sensation de perdre leur vie quand même, de se sentir des anonymes à l'intérieur de celle-ci.

Toutes ont un mari, certes. Mais au­cune ne parvient à communiquer avec le sien de façon satisfaisante. L'un a une maîtresse, les autres sont trop souvent absents, si bien que mari et femme ne vivent plus qu'en respectant des rôles qui leur ont été assignés par automatisme.

Les quatre amies iront à six rendez-vous. Souffrance, insomnie, trouble, émois les accompagneront durant ce temps. Rester soi-même tout en deve­nant autre : voilà ce qu'elles vont expérimenter et qui intriguera chacun des maris. L'un avouera ses égarements, l'autre observera sans rien dire, le troisième croira comprendre sans comprendre. Le mari de Léa, quant à lui, suivra sa femme jusque dans la cave. II en sortira transformé... lui aussi

Et chacune des amies évoluera à sa façon. Pendant que Cécile aura des amants de passage, Victoria redécouvrira la photographie, Magali quittera son mari, et Léa partagera avec le lecteur ses émois de femme amoureuse.

Un événement mettra un terme aux rendez-vous dans la cave, mais le cadeau, lui, continuera à vivre dans les personnages comme un don vivant. En effet, chacune trouvera une réponse toute particulière à la question de savoir comment être soi-même. Elles pourront dépasser l'illusion dans laquelle elles vivaient en croyant que les moments parfaits peuvent être captés dans une per­manence infinie.

Que signifie être soi-même dans ce monde agité, être femme, être homme, être un homme pour une femme, se chercher en tant que couple? Pour répondre à toutes ces questions, Isabelle Bary plonge le lecteur dans une atmosphère de sensualité qui balise le chemi­nement des personnages et participe à leur transformation. De la même manière, elle leur donne de la densité en les mettant dans des situations où ils sont amenés à exprimer des sensations assez subtiles qui échappent en général à ceux qui les vivent mais qu'un écrivain capte avec les mots.

Tout au long du livre, l'auteur crée des équivoques et installe ainsi un certain suspense qui s'éclaircira progressivement jusqu'à la fin du roman.

Bien sûr l'auteur dévoile sa conception de la femme, de l'homme et de leur re­lation. On peut regretter que, sous la plume d'Isabelle Bary, seule la femme semble comprendre l'homme, seule elle semble être en mesure de le transformer. Bref, ce livre s'adresse à nous à partir d'un point de vue très féminin sur les hommes.



Il n'empêche : voilà un premier roman prometteur et qui l'eût été encore plus s'il s'était départi de tout préjugé et ne contenait quelques longueurs.