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Critiques de livres

Jean C. Baudet
Histoire des sciences et de l'industrie en Belgique
Bruxelles
Jourdan éditeur
coll. Terre des Belges
2007
371 p.

La passion de comprendre
par Ninon Darcole
Le Carnet et les Instants n° 150

Jean C. Baudet est animé par la passion de comprendre et d'expliquer l'histoire et la philosophie des sciences. Après avoir publié à Paris, chez L'Harmattan et chez Vuibert, de nombreux livres sur le sujet (Mathématique et vérité, Penser la matière, La vie expliquée par la chimie, etc.), voici qu'il propose chez Jourdan une Histoire des sciences et de l'industrie en Belgique qui vaut son pesant de mots. Trois cent trente-sept pages de texte sont complétées par une impressionnante bibliographie de trente-deux pages. Une mine d'information.

Pas question de langue de bois : Baudet cherche visiblement à toucher le public le plus large possible sans tomber dans une vulgarisation simplificatrice. C'est un peu «les belles histoires de l'oncle Paul» de votre BD préférée, version adulte et sans illustration.

Le livre commence par l'histoire, une histoire partielle («Je suis beaucoup trop paresseux pour écrire une histoire complète de la science, de la technique et de l'industrie en Belgique. Il faudrait des dizaines de volumes, d'ailleurs, pour une telle entreprise») et partiale («Je suis bien trop vaniteux pour me contenter de reprendre les idées des autres, et je prétends penser par moi-même»). Vous voilà prévenu, cette histoire est nourrie d'une démarche philosophique qui prend d'ailleurs toute la place à la fin de l'ouvrage, en posant la question de la légitimité de la recherche scientifique actuelle et de son rôle dans la vie des êtres humains d'aujourd'hui et de demain.

L'histoire des sciences de la fin du Moyen Âge à la fin du XIXe siècle est presque exclusivement européenne et notre territoire, au coeur de l'Europe occidentale, y joue un rôle non négligeable, précise l'auteur. Vésale, Stévin, Mercator sont des «inventeurs» de tout premier plan. La reconnaissance en 1772, par l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche, de l'Académie impériale et royale des Sciences et Belles-Lettres de Bruxelles permet aux Belges de participer à la vie scientifique de l'époque et de publier leurs recherches. A partir de 1830, de la constitution du royaume et du règne de Léopold Ier, l'approche historique se fait plus systématique. Il faut dire que la science et l'industrie sont en pleine expansion sur notre territoire, qui manque encore d'écoles de haut niveau, de cadres et d'enseignants. Il est donc fait appel à des scientifiques étrangers tant dans l'industrie que dans l'enseignement. On a un besoin urgent de spécialistes : les nouvelles technologies frappent à la porte avec le chemin de fer, la mécanisation des industries tant textiles que sidérurgiques.

Très vite, la Belgique innove : Joseph Plateau invente en 1842 le phénakistiscope, l'ancêtre du cinématographe; Pierre-Joseph Van Beneden crée en 1843 un laboratoire de biologie marine, Adolphe Sax dépose le brevet du saxophone en 1846, Quetelet continue ses publications qui interpellent le monde scientifique avec Sur le climat de la Belgique. En 1851, Fafchamps met au point le dispositif de la mitrailleuse, Montefiore une usine de traitement du nickel et du cobalt en 1856. Partout, les écoles apparaissent et deviennent des centres d'étude très réputés. Les recherches se veulent de plus en plus pointues, les inventions performantes. L'empire Solvay est en train de naître, les usines Cockerill adoptent le convertisseur Bessemer et la production d'acier devient aussi aisée que celle du fer. La Belgique de la science et de l'industrie prend son envol. Baudet passe donc en revue toutes les innovations qui émergent sous les règnes des différents rois belges qui se succèdent. C'est impressionnant! On peut enfin comprendre pourquoi il existe des rues portant le nom de Fafchamps, Bordet, Empain ou Van Beneden. Grâce à ce livre, on mesure combien notre petit pays a contribué à l'évolution de la science.

Cette Histoire n'est pas un livre qui se lit d'une traite, même si le ton se veut léger. Ce n'est pas un livre à l'abri de toute critique (si les Chinois et les Africains avaient attendu l'électricité pour cuire leur riz, cela fait longtemps qu'ils seraient morts de faim…), mais c'est une somme d'informations remarquable, à découvrir, incontestablement.