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Critiques de livres

Jean-Claude Bologne
Le marchand d'anges
Bruxelles
Le Grand Miroir
2008
160 p.

Contes de Bologne
par Michel Torrekens
Le Carnet et les Instants n° 151

Jean Claude Bologne est particulièrement connu pour ses essais historiques où il explore l'intimité des générations qui nous ont précédés : Histoire de la pudeur, La naissance interdite, avortement, stérilité, contraception au Moyen Âge, Histoire du mariage en Occident, Histoire de la conquête amoureuse, etc. Des ouvrages savants, documentés et surtout très bien écrits. Quand il explore la fiction, on ne s'étonne donc pas des nombreuses références dont il la truffe, références à l'histoire toujours mais aussi aux mythes, aux symboles, aux légendes. Le marchand d'anges collationne seize contes qui entraînent le lecteur dans des univers où le rêve le dispute au réel, où les légendes rivalisent avec les faits historiques, où les symboles s'imposent aux vérités. Ainsi de ce conte métaphorique qui raconte la destinée d'un jeune sculpteur qui passe par les trois stades d'apprenti, de compagnon, de maître, en taillant ses trois pierres, celles du bonheur, de la douleur et de la vie. Ou cette histoire de chevalier, de dragon, de princesse et de roi blessé qui analyse les strates psychanalytiques d'une relation père-fille. Dans le même ordre d'idées, la question de la mémoire, de la transmission intergénérationnelle est au coeur de plusieurs récits dont l'un prend sa source dans la savane africaine, preuve que les lieux et les époques sont bien représentés dans le recueil. D'autres, comme la nouvelle-titre, font preuve d'un sens du merveilleux peu commun à notre époque davantage sensible à l'hyperréalisme en littérature. Un érotisme de bon aloi et un rien polisson pointe le bout de son nez dans «Ce que la femme apprend à l'homme». Les temps moyenâgeux reviennent aussi à plusieurs reprises, l'occasion de mettre en scène des moines et moinillons confrontés à des armadas de diables et diablotins. On ne s'étonnera pas que la thématique du secret traverse nombre de ces textes, soit qu'elle se coule dans un univers symboliste, soit qu'elle flirte avec le fantastique. Le style, quant à lui, est particulièrement soigné et reflète le soin que l'auteur apporte à trousser ses phrases. Plus que jamais, Jean Claude Bologne manifeste à travers ces contes qu'il s'inscrit dans le mouvement de la Nouvelle fiction, mouvement qui prône le retour à une totale inventivité littéraire par le recours à des personnages du passé et de la mythologie, traités en toute liberté imaginative. Nouvelle fiction dont, à notre connaissance, Jean Claude Bologne est le seul représentant belge à se réclamer, et à tout le moins le plus significatif. S'y rallient en France des auteurs comme Jean-Luc Moreau, Marc Petit, Frédérick Tristan, Hubert Haddad et, bien sûr, Georges-Olivier Châteaureynaud. Quant à Alain Absire, l'actuel président de la SGDL, il apparaît de manière cocasse dans le dernier texte qui joue à envoyer des clins d'yeux complices à ceux qui ont pu côtoyer un artiste aussi anachronique et fascinant que Cornelius Farouk.