Emissions matinales
Sébastien Ministru est journaliste et chroniqueur au magazine Télé-Moustique. Depuis deux ans il donne chaque mardi, sur les ondes de Bruxelles Capitale, dans une émission animée par son pote «Jean-Pierrounet» Hautier, ce qu'il est convenu d'appeler un billet d'humeur. On en trouve ici rassemblés un certain nombre, augmentés de textes écrits spécialement pour la publication. Qu'y apprend-on ? Que S.M. n'aime pas le poisson ni la cuisine au beurre. Qu'il hait les voitures, abhorre le foot, et en général tous les sports, auxquels il préfère les boutiques de parfumeurs et les magazines de mode. S.M. nous entretient de la taille de ses oreilles et de sa « carrure de scampi surgelé » ; disserte sur les tenues vestimentaires des chanteuses de l'Eurovision ; se désole à propos de son chat Fripounet, qui fait exprès, le vilain, de perdre ses poils et d'attraper des crises cardiaques ; et ainsi de suite. Cette façon de mettre en scène les petites histoires du quotidien pourrait être intéressante, émouvante même — et elle l'est en effet quelquefois : ainsi lorsque le chroniqueur évoque son enfance boraine dans le village de Flénu, sur les lieux mêmes où fut tourné Déjà s'envole la fleur maigre de Paul Meyer ; ou lorsqu'il dit sa passion pour les albums de Martine, dont la lecture a rempli d'émoi ses tendres années. Malheureusement, le plus souvent, le monde y est vu par le petit bout de la lorgnette, au risque de verser dans une futilité agaçante. Tout devient prétexte à digression ironique, où l'hyperbole et la caricature tiennent lieu d'observation. Un exemple parmi cent autres : «Je vous en supplie, Jean-Pierrounet, si vous tenez à votre image publique et à tout le reste, si je vous invite chez ma marraine : dites non ! Un soir, j'ai osé amener un ami, je vous le jure, elle avait fait des moules. L'ami ne veut plus me voir. Il en est à sa sixième séance de détartrage chez le dentiste. Il lui a dit qu'il n'y avait plus rien à faire, faut opérer. » Dans sa préface, Jean-Pierre dit de Sébastien qu'il est «génial» parce qu'«il ne triche pas». Qu'il est de surcroît « drôle, brillant, fragile et surtout très attachant». On le croit sur parole. Sans doute vaut-il mieux que ce qu'il nous montre dans ces pages. Le problème de ce genre de livre, c'est que, justement, ce n'est pas un livre. Ou plutôt, que ce n'aurait pas dû en être un. Plus qu'une démarche d'auteur, c'est une pratique éditoriale qui est en cause : celle qui consiste à publier tout et n'importe quoi, pourvu que l'auteur ait atteint le seuil de la notoriété. Cela donne trop souvent, comme c'est le cas ici, des ouvrages sympathiques, mais parfaitement dispensables.
Daniel Arnaut
Sébastien MINISTRU, Bonjour, Jean-Pierrounet. Billets d'enfance et d'aujourd'hui, Luc Pire -Bruxelles Capitale -Télé Moustique, 1999.