pdl

Critiques de livres

Marie Cavéry
Si je ne reviens pas
Bruxelles
Éditions Luc Pire
104 p.

Nous ne vieillirons pas ensemble
par Francine Ghysen
Le Carnet et les Instants n° 150

Un petit livre saisissant. Comme était saisissant le verdict tombé en rafales des lèvres du chirurgien que Bill et Marie étaient venus voir sans appréhension, à l'hôpital, ce jour de décembre : « Cancer du pancréas, cellules malignes sur le péritoine ». Les examens médicaux subis par Bill n'avaient livré jusque-là que des protocoles rassurants. Brutalement, tout basculait.

La stupeur. L'incrédulité. Le trajet en voiture, sans mot dire, vers la maison. « L'idée de rentrer, tout à coup, n'a plus lieu. “Rentrer” n'existe plus. […] Nulle part n'est un port. […] Fellow, notre chat, derrière la porte. Derrière le chat, la béance. »

L'existence même est soudain béance. Puits sans fond, où chacun, pour l'autre, s'interdit de tomber. Mais qui guette…

En à peine cent pages, Marie Cavéry nous dit une année et demie de vie en suspens entre espoirs et détresses, batailles et renoncements, souffrances et rémissions, cris de révolte et silence blanc.

La présence vigilante des enfants, des proches, des amis intimes. Les séances de chimiothérapie. L'avancée de la maladie, qui resserre son emprise, creuse et lentement dévaste. « Les jours se suivent. Les jours s'aggravent. »

Les traits que tire sobrement celui qui sait le temps compté. « La voix de Bill au téléphone : Veuillez, s'il vous plaît, me rayer de la liste de vos correspondants.»

Les étapes qu'observe, le coeur aux abois, celle qui aime et veut contenir son désarroi, taire son angoisse. « La voix de Bill a changé. Les traitements l'ont altérée. Mais une douceur lui est venue avec le temps, le temps du désastre, le temps du miracle. La force a remplacé l'abrupt. La moelle a remplacé le roc. »

Les séjours en clinique, où l'efficacité ne s'embarrasse pas de compassion. Les retours à la maison, auxquels Bill aspire, mais qui s'avèrent de plus en plus difficiles. Épuisants. Précaires. La douleur pour celle qui reste de ne pouvoir accompagner qu'à distance celui qu'elle veille, entoure, chérit, mais qui, irrémédiablement, s'éloigne. « Mon regard se couche dans le sien qui semble aller plus loin. De cet abordage-là, je ne fais pas partie. » « Comment être à lui ? Je crève d'être en moi. »

La dernière chambre, dans un service de soins palliatifs, où s'achève « le parcours d'enfer du cancer ».

On suit, la gorge nouée, ce voyage dans la nuit, où « la mort met à nu la vie ». Cette chronique prenante, à l'écriture saccadée, concise, ferme, dépouillée, où déroutent ici et là des tournures précieuses, des images obscures.

Un premier livre qui tente de mettre en mots l'inexprimable, de traduire l'indicible. Et qui parfois, sans savoir-faire, sans la maîtrise et les ruses du talent, y parvient, et nous bouleverse.