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Critiques de livres

Jacques Dapoz
Journal de l'antenne rouge
Cuesmes
Éditions du Cerisier
coll. Faits et Gestes
2007
272 p.

Une âme en résistance
par Francine Ghysen
Le Carnet et les Instants n° 151

Roman? Carnet de route? Tableau éclaté d'un demi-siècle d'histoire? Mosaïque de souvenirs personnels, d'instants de vie? Journal de l'antenne rouge brasse les genres et les couleurs, à un rythme effervescent.

Jacques Dapoz, poète, homme de radio, comédien, animateur..., passionné de mots et de sons et impatient de les partager, retraverse les années. Les siennes; les nôtres.

Images d'une enfance heureuse, en Hainaut où il est né en 1952, «brebis galeuse et néanmoins chérie de la famille». Choc décisif : «J'ai douze ans. Je suis définitivement passionné par la radio et par l'écoute des ondes courtes.» En ce domaine – le seul, dit-il, où il soit «allé loin» –, Jacques Dapoz déploie un enthousiasme indéfectible. «Il y a une sorte de fraternité incomparable unissant les radio-amateurs du monde entier.»

Mon histoire, ma vie, mon corps, ma pensée sont traversés de part en part par la radio et l'histoire de la radio.» Premiers poèmes d'adolescent, et rencontre, à seize ans, d'Achille Chavée, qui lui insuffle à jamais «le sens de la démarche poétique profonde, mais aussi celui de l'engagement politique authentique. Cet homme me parle d'André Breton, d'Antonin Artaud, de Vincent Van Gogh, de Kart Marx, mais aussi de son activité passée au sein des Brigades internationales, en Espagne, face à Franco». Tandis que sur la toile de fond se déroulent événements, grèves, révolutions... Et que s'enchaînent livres et chansons (la plus belle, peut-être : Quand les hommes vivront d'amour. «Cette chanson me fera toujours frémir»).

Débuts au Théâtre prolétarien, «grand atelier politique et culturel de Jean Louvet. Voilà pour ma leçon d'existentialisme à La Louvière.»

Premier recueil poétique, publié en 1976. Premiers pas dans la création radiophonique à la RTBF, avec Daniel Stevens, Jacques Bourlez, Yves Vasseur... Plus tard, Thierry Genicot, «mon ami au-delà de tous les murs du son».

Le monde bouge. Les temps changent. Un être trace son chemin, tout en restant fidèle au «poète sans écrit» qu'il était au cours de son enfance. S'entête à déjouer les pièges qui nous cernent. À chercher sa vérité, la vérité, derrière les illusions, les mensonges, les manipulations. Connaît des envolées, des orages, les «cicatrices de l'absence», des défaites parfois désespérantes («Plusieurs fois dans ma vie, j'ai eu le sentiment d'avoir été enterré vivant»), mais ne désarme pas.

Ces foisonnantes «notes d'existence» forment un livre tumultueux, désordonné, retentissant d'exaltations, de colères, d'allégresses, de révoltes. «Cela déferle... C'est la chronique... tempête», scandait-il déjà en 1997 dans Raptus.

Un livre porté par une ardente conviction : «Il faut témoigner. Il faut transmettre.» Hanté de bout en bout par une promesse faite à soi et aux autres, un défi rageur et lumineux : «On va se battre? — Contre l'abrutissement organisé nous ne cesserons de résister.»