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Critiques de livres


Ilya PRIGOGINE
De l'être au devenir
éd. Alice/ RTBF
collection Noms de Dieux
1999
89 p.

La pluralité des voix

Quelquefois, dans ma vie, je me suis senti assez seul. Seul parce que l'idée qu'il fallait rénover les lois de la physique et y introduire la nou­veauté, la créativité, paraissait presque anathème à beaucoup de scientifiques, même parmi mes collaborateurs. Alors, la contem­plation d'œuvres d'art telle que cette statuette me renforçait dans ma conviction. » Cette confidence, Ilya Prigogine la livre à Edmond Blattchen, lors de son émission « Noms de Dieux », produite par la RTBF. Je gage qu'on n'en trouve guère de semblables dans les autres publications de l'illustre Prix Nobel. L'un des charmes qu'on peut trouver aux livres d'entretiens réside dans cette liberté de propos — qui, à vrai dire, est peut-être aussi une contrainte du genre, puisque, à parler en son nom propre, on est comme forcé, dans l'élan de la parole, de construire une image, de donner une définition de soi-même.


Gabriel RINGLET
La résistance intérieure
éd. Alice/ RTBF
collection Noms de Dieux
1999
94 p.

Dans les entretiens qu'il réalise pour son émission « Noms de Dieux », dont quatre titres sont retranscrits aujourd'hui intégrale­ment pour une nouvelle collection coéditée par Alice et la RTBF, Edmond Blattchen s'est donné une ligne de conduite systéma­tique, qui repose sur une utilisation simple mais intelligente des contraintes télévisuelles. Après une brève introduction qui permet à l'animateur de tracer à grands traits le par­cours de son interlocuteur, celui-ci est invité, selon le principe du « portrait chinois », à ré­agir à quelques propositions : une phrase, une image, un symbole de son choix. Quand le cardinal Danneels aussi bien que Gabriel Ringlet — mais indépendamment l'un de l'autre — optent tous deux pour une statuette représentant saint François d'As­sise, Prigogine, pour sa part, propose une sculpture précolombienne dont l'image illus­trait déjà l'édition de poche de La nouvelle alliance (écrit en collaboration avec Isabelle Stengers).


Godfried DANNEELS
Nous sommes tous des orphelins
éd. Alice/ RTBF
collection Noms de Dieux
1999
88 p.

Il voit dans cette figure archaïque l'expression condensée d'un « doute sur la permanence du monde » qui rejoint ses propres interrogations de chercheur. En même temps, son choix est pour lui une ma­nière d'affirmer la nécessité de quitter la per-pective européocentriste qui grève et limite trop souvent notre approche des choses. Pierre Mertens, quant à lui, a élu comme objet symbolique une petite bouteille ren­fermant un calvaire, objet qui lui vient de son grand-père et qui, suscitant en lui mille associations d'idées, l'emmène dans une rê­verie sans fin. Par l'envergure intellectuelle de ses invités, par le soin manifeste qu'il met à préparer ses entretiens, nourris d'une solide documenta­tion, Blattchen parvient à réaliser, au fil de ses émissions, un portrait pluriel de notre époque, au regard de ses croyances, de ses prises de positions métaphysiques (quand bien même, en ce qui le concerne, Prigogine se refuse à se prononcer sur ce qui dépasse ses compétences d'homme de science).


Pierre MERTENS
Tout est feu
éd. Alice/ RTBF
collection Noms de Dieux
1999
92 p.

A ce titre, la série des « Noms de Dieux » repré­sente un témoignage précieux, en dépit de la solennité parfois excessive de sa mise en scène. Les ouvrages publiés par Alice en constituent un prolongement d'autant plus intéressant qu'ils sont remarquablement édi­tés, bénéficiant notamment d'une bibliogra­phie et de notes dues à François-Xavier Nève de Mévergnies.

Carmelo Virone