pdl

Critiques de livres

Bérengère Deprez
Kilomètre 7
Avin
Éd. Luce Wilquin
2006
330 pages

La promesse saccagée
par Francine Ghysen
Le Carnet et les Instants n° 143

Nul ne pourra reprocher à Bérengère Deprez de manquer de souffle, d'idées, de vision.

Voici deux ans, Le livre des deuils nous frappait par sa densité, son ardente exigence, la maîtrise de l'émotion et de la douleur, présentes en filigrane. Je me souviens de certains traits d'une justesse incisive, tel ce constat que, même dans une explosion de joie, une envolée de fol espoir, l'être n'est jamais que «libre comme l'air dans la prison du monde».

Son nouveau roman, Kilomètre 7, s'inscrit dans la même ligne haute, sobre, ferme. Mais il m'a paru plus difficile à appréhender.

Serait-ce que l'auteur veut nous dire trop de choses, embrasse trop de thèmes, noue et dénoue trop de fils? Il y a de beaux moments dans son livre : des houles d'amour, des cris de colère, des flambées d'amertume, qui nous saisissent et nous retiennent. Mais l'ensemble reste inabouti, surchargé d'intentions, de significations, de symboles.

Dès les premières pages (printemps 1988), nous sommes plongés au cœur des salves d'une prétendue guerre-éclair «en train de tourner à un engagement plus long et moins spectaculaire», menée «pour le droit» dans un pays cerné de montagnes et bordé d'une côte étroite, hérissée de falaises gris-noir.

Les personnages essentiels : Kaeso Farrell, capitaine de l'armée d'occupation, «enthousiaste et naïf, persuadé de sa mission civilisatrice»; Hel, enfant du pays, dans la beauté et les incertitudes de ses vingt ans, mariée sans amour à un homme d'affaires.

Autour d'eux, qui découvrent, sur fond de violence et de cruauté, l'empire des sens et les «sanglots de tendresse», bouleversés d'être sur «la même longueur d'âme», nous rencontrons deux archéologues, qui repèrent, au kilomètre 7 d'une route en construction, une grotte inviolée depuis des temps immémoriaux. Splendeur : une paroi s'orne de bas-reliefs où un sculpteur-poète a gravé, en images et en signes, La Geste du Roi et de la Reine (IIIe millénaire), couple fondateur : Le Soleil et la Lune. Vestiges d'un temple? D'un mausolée, qui aurait échappé miraculeusement aux pilleurs de tombes?

L'histoire et la légende, resurgies du fond des âges, prêtent leur aura à la passion née aujourd'hui. Mais les dangers guettent dans l'ombre...

Désastres de la guerre, de la haine, d'un tremblement de terre. Poignante méprise. Kaeso et Hel ne se reverront plus. La douce promesse de La Geste, «Ma protection sur toi», ne sera pas tenue. Et lorsque nous les retrouvons au printemps 2003, dans ce pays toujours divisé, déchiré, leurs chemins séparés les mènent pareillement à l'inéluctable.

La mort a-t-elle le dernier mot? La juvénile détermination d'Onias, enfant d'Hel et de Kaeso, laisse sous les décombres palpiter l'espoir. Comme une étoile dans la nuit.