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Critiques de livres

Vincent De Raeve
Carnets d'un garde-chasse
illustrations de Stéphan Plottès
préface de Bruno Carton
postface d'Yves Martens
Bruxelles
Éditions Couleur livres
2007
96 p.

La chasse au chômeur : une exclusion politiquement «acceptable»?
par Jeannine Paque
Le Carnet et les Instants n° 151

Qu'on ne s'y trompe pas, les Carnets d'un garde-chasse, deuxième publication de Vincent De Raeve, dont on a pu lire L'usine (voir Le Carnet, n° 143), n'indique nullement que l'auteur a quitté l'écriture militante pour célébrer les charmes de la forêt. Il s'agit bien de chasse, mais ici le lapin, c'est le chômeur. Il existe en Belgique deux dispositifs pour définir le droit ou le non-droit aux allocations «de remplacement» et déterminer leur application selon un plan d'accompagnement et de contrôle de la disponibilité des chômeurs. Le premier est activé par les facilitateurs», entendez les contrôleurs, le second par les «accompagnateurs» qui ont pour mission «l'activation du comportement de recherche d'emploi». Vincent De Raeve est accompagnateur syndicaliste, donc du beau, du «bon» côté, celui de l'avocat et non du procureur, mais il fait quand même partie de la machine et il est témoin de ses actions néfastes. Pour les combattre ou du moins les dénoncer, il faut écrire : «Ça permet de mettre le dedans dehors.» Ce système auquel il participe, «politiquement acceptable» car il ne provoque aucun remous ni parmi les travailleurs ni dans la société civile, devait, devrait encore officiellement aider le chômeur, lui donner le coup de pouce nécessaire à retrouver un emploi, à repartir dans la vie. Mais il s'avère une machine à exclure, qui tend à mettre les travailleurs en concurrence, ce qui risque à terme de casser les acquis sociaux. Ce qui est demandé au «demandeur d'emploi», c'est de «rechercher», de prouver ses efforts dans ce sens. Cela fait, il peut paraître en règle mais est le plus souvent laissé sur la touche. Le chômeur en fait est presque toujours suspecté. Souvent traité de parasite, il est privé d'innocence et, comme l'indiquent bon nombre d'exemples cités par l'auteur, maintenu dans un état de souffrance. C'est à cela que De Raeve a voulu réagir, considérant son écrit comme un devoir d'urgence : «J'ai écrit ces quelques pages dans un but bien précis. Il ne s'agit pas seulement de relater mon expérience d'accompagnateur syndical mais aussi d'expliquer mon point de vue avant que le débat sur la poursuite – ou non – de ce plan ait lieu.»