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Critiques de livres


Jean-Louis du ROY
D'un sang bleu assez froid
Le Cri
2000
166 p.

Un après-midi à Auteuil

Peut-on être maître en management public à l'Université (Solvay) et maî­tre du suspens ? Jean-Louis du Roy aimerait nous en convaincre : licencié en sciences politiques et sociales, dirigeant dans le domaine financier, il signe un troi­sième roman, D'un sang bleu assez froid, aux éditions Le Cri qui avaient d'ailleurs déjà publié Cash Cache en 1987 et Tempête de neige et nuit noire à Snavoïe en 1993. La couverture reproduit un tableau de Ca­mille De Taeye « Un après-midi à Groenendaal » tout à fait symbolique de l'intrigue menée par du Roy : d'un côté, le corps dé­nudé d'une jeune femme mystérieuse, assise au bord de l'eau, sur l'herbe d'une prairie ; de l'autre, le reflet étonnant et impossible sur le miroir de l'eau d'une course hippique où quatre chevaux caracolent en tête. Loin de nous emmener sur ces terrains bu­coliques, Jean-Louis du Roy commence par centrer notre attention sur une chambre d'hôpital. Ambroise Lespard, son héros, est couché sur un lit, logé dans un corps, « une lourde gangue qui ne répond plus » à sa vo­lonté. A gauche, le tuyau transparent de la perfusion. Au bout du lit, les feuilles médi­cales qui transcrivent son état, son coma profond. A droite, la porte qui va délivrer son lot de visites ou d'absences, selon les jours. Ambroise Lespard se sent comme « une sorte de pur esprit, d'âme collée sur terre n'ayant point encore été élue par le ciel ou l'enfer ». Voilà le bon point de vue pour revisiter sa vie passée. Une femme, Isabelle, née Baronne de Marcourt. « De la blondeur de son chignon au vernis ver­millon de son gros orteil, pas un détail n'aurait pu prêter le flanc à la moindre cri­tique. » Une amoureuse d'enfance, Wanda, artiste-de-luxe, baba cool de bonne famille : leur relation, quoique platonique, pimente régulièrement une existence somme toute assez terne. Une passion, Laura, Laura Castelli, top modèle ou presque, amie des champs de course, rencontrée sur l'avion Bruxelles-New York. Une passion terrible : ravageuse, dévorante, elle transforme en dé­sastre la vie de l'homme d'affaires déjà minée par le conflit irakien de ce début des années nonante. Et puis, il y a cette histoire de champs de course. Une affaire. Une véri­table affaire.

Au fait, qui a conduit Ambroise Lespard dans cette chambre aseptisée, où un person­nel plein de froide sollicitude tente en vain de le ranimer ? Laquelle de ces trois femmes aurait pu tenter de l'éliminer ? A moins que ce ne soit un homme, un jockey ou le direc­teur qu'il a placé à la tête de son entre­prise ? Ce petit Américain carré aux yeux gris et durs, bardés de bretelles, n'a pas vu venir l'invasion du Koweït par Sadam Hus­sein, ni le retournement des marchés, mais il pourrait bien inventer une toute nouvelle stratégie pour profiter de la luxueuse blon­deur d'une baronne européenne... D'un sang bleu assez froid, c'est un peu la version « suspense » des images de Paris Match ou du Figaro Madame, qui racontent, l'air de rien, les liaisons dangereuses des nantis et des baronnets...

Nicole Widart