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Critiques de livres


Fabienne LOUIS
Fin de l'enfance
récits
L'Harmattan
2002
106 p.

Photographies intimes

Avec Fin de l'enfance, publié chez L'Harmattan, Fabienne Louis nous entraîne dans un dédale de photo­graphies que n'importe qui pourrait juger anodines : photos de maisons, d'une Mercédès blanche, d'une petite fille vêtue d'une robe en lainage à carreaux jaunes et blancs ou en tissu écossais bleu et vert.... Mais, c'est dans les marges ivoires de ces images du passé que surgissent des histoires instan­tanées, petites brèves d'enfance qui dé­taillent les bleus au cœur comme les coups de bonheur, les instants magiques comme les moments cruels qui jalonnent chaque vie. Autant d'images, autant de récits. On imagine, quelques photos retrouvées dans un grenier ou dans un album au fond d'un tiroir familial et des bouffées entières de souvenirs qui vous montent au cœur. Les quelques mots de Roland Barthes cités en exergue explicitent clairement la démarche de Fabienne Louis : « Scruter veut dire re­tourner la photo, entrer dans la profondeur du papier, atteindre sa face inverse. » Et l'écrivaine, effectivement, entre dans la pro­fondeur du papier.

Elle n'y découvre pas vraiment de drame, pas vraiment d'événement, juste les choses de la vie. Les jalousies, les ruptures des déménagements, de l'entrée à l'école, les sépa­rations. Les amours enfantines déçues. Les douleurs des injustices, les frayeurs lorsque des informations approximatives vous font fantasmer : une glissade impromptue et une entorse suscitent des images d'hôpital et de réanimation, la mort rôde, quelques ins­tants du moins, on panique à l'idée de perdre un être cher.

C'est autour de ces pertes et de ces frag­ments d'images que se tisse un texte poé­tique sans mièvrerie ni grandiloquence. On se prend à imaginer la petite fille à la fête fo­raine dans sa robe blanche de communiante, avec ses manches ballon serrées sur le haut du bras par un élastique et les petites pâque­rettes jaunes cousues par la mère : la robe de communiante doit pouvoir resservir... Il y a le livre que son ami Pierre lui donne et qui contient une lettre d'amour destinée à sa sœur. Il y a la banane qu'elle mange le plus lentement possible, une après-midi d'avril, minuscule défi d'enfance. Le petit chat qui s'est enfui. Les chocolats qu'elle a mangés toute seule au grand dam de la mère. Les nouvelles bottines de sa sœur, blanches, si hautes qu'elles cachent les chaussettes, fai­sant imaginer des jambes gainées de nylon et qu'elle envie tant. Juste des fragments d'en­fance qui provoquent l'émotion et nous ren­voient à nos propres souvenirs. Mais, dans ces récits, on trouve aussi un mode de vie qui a l'air très lointain, un univers où la télé­vision n'a pas encore tout raconté, n'a pas encore raboté toutes les disparités, où les mamans tricotent des pulls rayés et cousent encore des pâquerettes sur les robes blanches des communiantes...

Nicole Widart