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Critiques de livres

Michelle Fourez
Ferveur
Avin
Éd. Luce Wilquin
coll. «Luciole»
2006
90 p.

Chère Michelle,
par Michel Zumkir
Le Carnet et les Instants n° 145

Vous venez de faire paraître votre cinquième livre. Votre rythme de publication s'est un peu accéléré : voilà trois années que vous mettez un texte par an en librairie, alors qu'entre le deuxième (Le chant aveugle) et le troisième (À contretemps), il avait fallu attendre pas moins de neuf ans. Vous savez que si je suis un lecteur fidèle, je suis impatient aussi, et ce nouveau rythme me plaît davantage, comme des rendez-vous annoncés et tenus. Nous avons eu l'occasion d'en parler une fois ou deux fois de vive voix, vous en souvenez-vous? Notamment le temps d'un déjeuner, sur une terrasse parisienne, la première fois que nous nous sommes vus : nous ignorions quel était le corps qui était associé à nos écritures? Je vous vouvoie dans cette lettre car elle est destinée à la publication; entre nous, l'on se tutoie : comme si l'on se connaissait depuis toujours. À cause de ce que vous écrivez et de comment vous l'écrivez. Sur la liaison et la déliaison des êtres, qu'ils soient en amour ou en famille. Sur la vie et la mort aussi. Cette fois encore. Cette fois différemment car vous offrez ce qui est peut-être votre livre le plus romanesque puisque vous y donnez la parole à un personnage masculin. Qui écrit une lettre d'amour à une femme que je soupçonne tenir beaucoup de vous. Comme vous elle a un fils, aime la vie et la littérature, elle est enseignante. Cette femme vous l'appelez Mademoiselle H. Ou plutôt est-ce ainsi que l'appelle Monsieur F. le destinateur de cette lettre. Il a été son professeur de grec à la fin des années soixante, il l'a beaucoup aimée, ne lui en a rien dit; elle n'en a jamais rien su. Ils se sont perdus de vue, il a voulu ne jamais retrouver sa trace. Il lui écrit pour lui avouer cet amour exceptionnel et secret au moment où la mort a presque fini son travail d'approche, qu'elle est sur le seuil. Il prend la précaution de confier la belle missive à un notaire avec pour mot d'ordre de ne la donner à lire à Mademoiselle H. que quinze années après son décès (vous voyez que votre livre est romanesque). Dans ces pages écrites à l'encre verte, il rappelle quelques souvenirs qu'ils ont en commun. Il lui parle aussi de l'enseignement, de sa famille : sa femme devenue alcoolique, ses fils dont il n'aime pas la direction marchande qu'a prise leur vie, sa fille musicienne dont il se sent proche. Il dit aussi le goût des mots, ces mots qu'il aime autant que les choses qu'ils nomment : «Je dis le nom des fleurs croisées : tanaisie, millepertuis, achillée, épilobe, belle-de-jour… Ces mots m'enchantent le cœur et la bouche et m'emplissent d'un vrai bonheur.» Comme votre livre, chère Michelle. Que j'ai lu d'une traite un dimanche, quand l'après-midi finissait. Dont je relis des passages en en prononçant les phrases en silence. Je dois vous quitter maintenant, j'espère seulement que votre livre trouvera d'autres lecteurs aimants, il le mérite.