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Critiques de livres

Éliane Gubin
Choisir l'histoire des femmes
préface de Michelle Perrot
Éditions de l'Université de Bruxelles
2007
273 p.

Un engagement : écrire l'image des femmes
par Jeannine Paque
Le Carnet et les Instants n° 150

Pour Éliane Gubin, comme d'ailleurs pour Michelle Perrot qui préface le présent ouvrage, étudier l'histoire des femmes a été un choix et le demeure. D'où le titre adéquat et on ne peut plus programmatique : Choisir l'histoire des femmes qui définit en même temps l'objet et l'intention première du travail. Dans le droit fil du renouveau de l'histoire politique et sociale des années 1960 en Belgique, elle s'est d'abord spécialisée dans l'étude des problèmes liés à l'industrialisation et au travail. Bientôt alertée par la face cachée des données qu'elle traitait, l'historienne s'est intéressée plus particulièrement à la part des femmes trop souvent occultée dans les enquêtes d'ensemble. Le mouvement des femmes qui se développe alors en Occident ne peut que l'encourager dans cette voie nouvelle qui requiert toute son attention et sa créativité, tant en matière de recherche que d'enseignement, à l'Université libre de Bruxelles. Le développement de ce nouvel objet historiographique est rapide : les revues, l'orientation et la direction de mémoires, de travaux, la mise en chantier de travaux de synthèse démontrent combien l'effort personnel d'Éliane Gubin a pu susciter une activité collective de grande ampleur. En témoignent les publications récentes aux éditions Racine – Dictionnaire des femmes belges dont nous avons rendu compte dans le n° 146 du Carnet et les Instants et Encyclopédie d'histoire des femmes en Belgique dont la recension paraîtra dans un prochain numéro.

Choisir l'histoire des femmes regroupe une partie seulement de la production de l'auteure en la matière, soit une série d'articles organisés en quatre rubriques d'ensemble qui mettent en avant les relations des femmes avec le savoir, l'enseignement, l'espace public, la guerre, la politique ainsi que les aspects sociaux qui les définissent et permettent d'en catégoriser les effets. Ainsi les relations des femmes avec les sciences ouvrent la perspective du rapport des femmes avec l'ensemble des pouvoirs dominants et définit la totalité d'un parcours où l'envisager, du féminin, puis du féminisme à la notion enfin opératoire de genre. Les femmes dans l'espace public obligent à considérer précisément le vécu de la citoyenneté, l'orientation politique et ses retombées en matière d'enseignement, de droit décisionnel, de suffrage. Dans une troisième partie consacrée aux «Discours, modèles et représentations» sont considérées les femmes vivant seules, les femmes au foyer, aux XIXe et XXe siècles, les femmes au travail et le travail des enfants, les paysannes, les mal-aimées de l'histoire des femmes. Une quatrième section est dévolue aux «Femmes et la guerre», aux implications sur le travail, au développement d'activités de soignantes, à la Résistance, qui somme toute sont aussi des combats et offrent une occasion de spécifier une intervention strictement propre aux femmes dans une action collective.

Si l'histoire des femmes est liée à l'histoire globale dont elle est une composante, l'auteure, par ces contributions, en démontre toutefois l'autonomie. L'histoire des femmes est bien un nouvel objet spécifique qui requiert, encore aujourd'hui, de l'audace, une démarche transgressive et des méthodes différenciées. En l'occurrence, ce que Régine Beauthier, Catherine Jacques et Valérie Piette nomment dans l'introduction à l'ouvrage «une approche genrée» de l'histoire de Belgique.