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Doué pour aimer

Un homme d'âge mûr et une femme se retrouvent seuls sur une île, le bateau est reparti en les oubliant. Que peuvent-ils faire sinon attendre celui du lendemain en passant la nuit à parler et en profitant de cette infortune pour apprendre à se connaître mutuellement ? Une île est un huis clos qui rassemble les égarés... Elle, c'est Lou, et elle cherche dans ses vacances à oublier un peu qu'elle vient de perdre sa mère ; lui s'appelle Louis et a eu une vie bien remplie même s'il porte depuis longtemps la douleur d'un manque de dialogue avec son père qu'il a un jour retrouvé mort dans un fau­teuil. Malgré leur abandon sur l'île, ils sont en vacances, l'atmosphère est à la détente et demain ils se sépareront : tout les pousse à la confidence sans risque d'être jugés. Lou et Louis s'échangent ainsi des bribes de souvenirs, des faits marquants, des détails sur leurs familles. Très vite pourtant, Lou se fait silen­cieuse, elle écoute et interroge Louis qui parle de plus en plus. Louis a vécu une belle complicité avec Hélène, sa grande sœur, assombrie tou­tefois par le caractère de plus en plus ombrageux de leur père qui décidera Louis à quitter la maison. Parti sans but, il trouvera refuge chez Myriam, une de ses jeunes profs, qui l'hébergera puis avec qui il partagera une grande mais sans doute trop forte histoire d'amour. Louis débarque alors en Afrique où il fait son service civil et où il découvre un tout autre mode de vie, plus fragile mais plus accordé à la nature. Plus tard, de re­tour en Europe, il rencontrera Anne la violoncelliste. Il y aura enfin Catherine qui est seule mais enceinte : Pierre naîtra, grandira puis viendra Ludivine. Louis entrecoupe les récits de son en­fance — les vacances chez Tante Bé, par exemple — par ceux de l'éducation de ses enfants. Lou dit aussi les siens ; une étoile filante illumine le ciel au-dessus de l'île.

N'étaient les circonstances particulières de cette rencontre, ce ne serait que deux vies relativement banales qui s'exposent ici à travers le récit de leurs accidents et de leurs attachements. Mais Lou écoute avec une attention particulière et Louis fait preuve d'une qualité singulière bien difficile à résumer : il est doué pour aimer. Et on reste pendu à ses lèvres... Il y a bien quelques broutilles à repro­cher à Anne-Claire Cornet pour ce roman quasi tout en dialogues qui construisent par fragments le puzzle de deux vies et de celles qui les entourent ; dire aussi que c'est une gageure d'es­sayer d'entrer, d'emblée et de plain-pied, dans l'intimité d'un être, le lecteur a besoin de quelques pages pour tisser la part obscure du contexte. Mais Anne-Claire Cornet réussit un livre attachant et généreux qui déploie une belle philo­sophie de la vie autour du pouvoir d'aimer de Louis et de cette douceur à donner et à recevoir dans un même mouvement. Une manière de combler qui force le respect avec tendresse. Moi j'aime, un point c'est tout.

Jack Keguenne