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Critiques de livres

Corine Jamar
La reine de la fête
Paris
NiL éditions
2006

Jeune femme cherche bonheur
par Laurence Vanpaeschen
Le Carnet et les Instants n° 144

Corine Jamar est notamment auteur de BD, et Delphine, la jeune femme dont elle narre les aventures dans son premier roman La reine de la fête, tient un peu d'un personnage de BD, émouvant, tragi-comique, arythmique, pressé autant qu'immobile, funambule hésitant entre le superficiel et les justes questionnements.

Delphine a trente ans et, au cours de cette histoire, elle va naître à une vie qu'elle va enfin apprendre à choisir, arrêter de vivre en diagonale, comme avec un livre qu'on n'aime pas mais qu'on se sent obligé de lire parce qu'il a été offert, dit-elle. La vraie vie de Delphine commence dans la rupture avec l'amour factice de Diego, avec un travail clinquant et vide dans la pub, avec l'enfant en gestation dont Diego ne voulait pas et qui va la hanter. «Notre amour ressemblait à une belle affiche et mon bébé, en partant, l'a décollée wouououf ! Ce petit être, en mourant, m'a fait cet incroyable cadeau : il m'a fait naître.»

Elle va se reconstruire dans un nouvel amour et dans l'écriture, indissociablement liés. Adolescente, elle avait avorté de son envie d'écrire, pour ne plus être désignée comme autre, marginale. «Les filles de ma classe commençaient à se mettre du khôl sous les yeux et moi j'écrivais, elles allaient danser et moi j'écrivais, comme une conne, j'écrivais.»

Costa, le libraire qui a le savoir des plaisirs lui rend l'écriture et le bonheur évidents. «Costa me dit : Ecris, je m'occupe du reste. Il m'offre l'écriture sur un plateau d'argent, sous le parasol d'une île grecque, devant une mer d'huile.» Et puis il y a l'ombre de l'arrière-grand-père peintre, qui a prédit dans un curieux testament que l'un de ses descendants héritera de sa sensibilité d'artiste -à qui sinon à elle, pouvait s'adresser cette invitation, presque une injonction?

Delphine va donc se lancer, entre atermoiements et course éperdue, en quête d'un bonheur qu'elle s'est toujours refusé, se punissant d'avoir été une petite fille mal aimée. «Mon malheur à moi n'avait pas de classe, il était mou, transparent, poisseux, comme l'enfant inachevé, Pierre, qu'on m'a sorti du ventre (…) Quand on n'a pas été aimée, quand on a vécu toute sa vie avec cette impression-là, on veut que cela se voie et qu'en plus ça devienne joli.»

Au cours de ses péripéties, on croise Clarisse, l'amie devenue mystique qui est tombée amoureuse de Jésus, Emma, la petite filleule autiste qui mange les livres, Madame Ferrero, vieille dame indigne à qui les malheurs ont fait pousser des dents de grand méchant loup, le couple de restaurateurs italiens chez qui Costa a ses habitudes et qui sera brisé par la maladie de la vache folle, des parents engoncés dans leur difficulté d'aimer, la mort aussi, que Costa supporte si mal. Jusqu'au feu d'artifice qui couronne la vie retrouvée de Delphine.

Un roman tourbillonnant, qui s'affirme sans prétention, et dans lequel on se coule avec la même simplicité ravie.