pdl

Critiques de livres


Fernand LEFEBVRE
Jeu
Editions du Cerisier
1994
136 p.

FEros

La femme est éternelle. C'est pourquoi elle s'appelle Jeanne ou Cléopâtre, Hypermnestre ou Desdémone, ou la Marquise de Carabas. La femme est un peu sorcière. Elle fait pousser des baisers dans son jardin. Souvent la femme sourit de se voir si belle en son miroir. C'est qu'elle ne résiste pas à  son   plaisir.   Elle   s'y  donne   avec gourmandise. Elle y perd les sens mais pas la tête. Car la femme est vénale. Avec candeur et calcul, elle use de ses charmes comme moyen d'élévation sociale. Résumons-nous. Eros est féroce. Le désir mène les affaires du monde. Les machinations les plus tordues sont toujours les meilleures. La jalousie a le poignard chatouilleux. Les veuves sont joyeuses car elles héritent les af­faires louches de feu leur époux. Mais quand elles meurent à leur tour, leur testament ré­serve quelques surprises posthumes. Fernand Lefebvre pratique la fantaisie et le jeu de mot au point d'y forcer parfois ses moyens. Il ne suffit pas toujours de faire de l'esprit pour en avoir. Dans le genre, la nou­velle qui ouvre le bal, Iseut, est sans doute la meilleure. La narration rapide rebondit sans failles. Elle conduit une comédie de l'arri­visme et de la séduction au royaume des tueurs à gages, des organisations secrètes et de l'argent facile. Le reste du recueil ne plane pas toujours à cette hauteur. Cependant, la plus belle nouvelle de Jeu, Olympia, prouve que l'auteur sait frayer dans de plus troublants pa­rages. La volupté s'y fait plus capiteuse. Les caresses de la soie suscitent un vertige sensuel, avant d'ouvrir sur de plus noirs abîmes.

Thierry Horguelin