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Critiques de livres

Françoise Lalande
Une Belge méchante
Bruxelles
Le Grand Miroir
113 p.

L'empreinte d'une femme
par Jeannine Paque
Le Carnet et les Instants n° 149

Deux semaines avant de se voir décerner le prix Nobel de littérature, Doris Lessing déclarait dans les colonnes du Monde des livres qu'elle avait entamé son entreprise autobiographique [Dans ma peau et La marche dans l'ombre (1949-1962), Le Livre de poche] «pour apporter un contrepoint à toutes les sottises biographiques qu'on écrit le plus souvent sur les écrivains». Avec Une Belge méchante, Françoise Lalande prend les devants et prévient toute tentative de biographie, sotte ou intelligente, la concernant, puisqu'elle propose sa propre version, soit un autoportrait sélectif, avec photos et citations. Plutôt qu'une biographie suivie et chronologique, elle présente bout à bout plusieurs textes qui devraient permettre au lecteur de mieux connaître et peut-être comprendre la femme qu'elle veut être. Quels sont les éléments premiers, les informations qui touchent tout de suite? Outre le nom de l'auteure, mis en évidence, illuminé à côté de son prénom, sur la première de couverture, un titre : Une Belge méchante. Double qualification qui interpelle, comme on dit maintenant. On peut certes y deviner comme un sourire : soit que ces deux caractérisations paraissent antinomiques ou, au contraire, susceptibles de former un couple assorti, on peut rêver à tout coup d'antiphrase. On n'ose aujourd'hui, sous peine d'avoir l'air de polémiquer, se permettre de donner quelque interprétation que ce soit au fait de se désigner clairement comme Belge. Si le présent livre a bien paru en juin 2007, sa rédaction avait précédé les élections de ce pays, leurs conséquences et tout affichage tricolore. Peut-on pour autant négliger cette précision, alors que Lalande s'en ouvre dès les premières lignes? Sous couleur d'enfantillage, mais pas pour longtemps, elle joue, mi-plaisante, mi-sérieuse, avec son appartenance nationale : elle aurait souhaité être rousse et irlandaise. Reste l'autre partie du titre, «méchante». Rappel de la voix enfantine peut-être, mais aussi occasion de camper un personnage, sensible et prompt à la réplique comme à la résistance, à tout le moins, comme on le verra. Le tout étant au féminin, l'auteure impose d'emblée sa marque au récit et à son écriture – «J'adore être une femme» : à cet égard, la formule est claire. Mais cette certitude n'est arrêtée qu'en apparence puisque toute une série d'évocations, non contradictoires avec ces définitions de base, vont tout de même en monter les variantes.

Selon les pays traversés ou élus pour demeure, les rencontres réelles ou symboliques, les activités, les émotions, les amours, Françoise Lalande laisse parler ses convictions aussi au nom desquelles elle juge et dénonce. Autant d'épisodes qui font défiler les hommes, les paysages, les continents même, et ont en commun de réunir les rôles de témoin réceptif, personnage principal, scripteur unique sous le seul nom de Lalande, Gil Blas moderne, polyglotte, voyageur, conteur qui, de surcroît, se présente sous le meilleur jour, c'est-à-dire femme, belge et méchante, à sa façon.