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Critiques de livres

Colette Lambrichs
Logiques de l'ombre
Paris
Éd. de la Différence
2006
123 p.

À chaque nouvelle sa logique
par Jeannine Paque
Le Carnet et les Instants n° 144

Éloge du court, de l'économie, de l'essentiel, pour tout dire. Tel est le commentaire, ou le sous-titre comme on en ajoutait autrefois, qui pourrait, s'il en était besoin, accompagner le dernier recueil de nouvelles de Colette Lambrichs, Logiques de l'ombre. Mais cet ensemble de textes brefs, qui se veulent capter la vie et en illustrent discrètement la méthode, se passent de toute exégèse. Il n'y a qu'à se soumettre au charme de la lecture et à laisser les pages se tourner d'elles-mêmes. On insistera pourtant sur la diversité de ces micro-histoires : elles n'ont d'autre unité que le ton légèrement caustique qui souligne étrangement l'émotion en la mettant à distance ou entre parenthèses, ou encore l'allure, le rythme qui scande paragraphes ou répliques, parce qu'il faut avancer sans traîner et résoudre avec humour le tout petit nœud qu'on a formé. Au passage, le lecteur aura vu défiler une pochade bien enlevée, une caricature élégante, des sentiments mis à nu sans pitié, des paysages sarcastiques, pas mal de situations absurdes dont on peut se jouer, un hommage amoureux des plus bizarre… Le tout dans une succession imprévisible qui ne cesse d'amuser et d'attendrir tout à la fois. Le mode d'emploi du livre, ou encore sa quintessence, pourrait se lire dans les deux textes liminaires. Le premier, «Le dictionnaire», montre l'absurde des classements, ici l'ordre alphabétique, se moque de toute «distinction» purement formelle. Le dernier, «Une semaine dans la vie de Léa», joue gaiement de l'incohérence la plus libre, dont elle fait une valeur indiscutable, entre les convenances qu'impose la vie sociale ou collective et la transgression malicieuse de celles-ci par un individu qui entend bien ne s'y conformer qu'à sa façon. C'est ainsi qu'il fait bon vivre ou écrire! Colette Lambrichs connaît tous les petits arrangements possibles avec le sort et comment s'accommoder des peines malvenues : un précédent recueil, Doux leurres, plus sévère que celui-ci, il est vrai, rendait déjà compte de telles expériences.