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Critiques de livres


Nadine MONFILS
La nuit des coquelicots
Vauvenargues
1999
248 p.

Trop c'est trop

Sachant que : 1. le commissaire Léon (qui, entre deux enquêtes, confec­tionne d'abominables tricots pour son chien Babelutte, à l'instar de son collègue Kamikaze qui, dans Monsieur Emile, faisait du crochet) habite, dans le 18e, la même rue Robert Planquette que Nadine Monfils ; 2. les pompes offertes à Roland Dumas par sa « putain de la république » coûtent plus cher que les escarpins en croco de Monsieur Dumoulin, dandy montmartrois ; 3. le nombre de coquillettes dont on peut remplir un trois tonnes est un nombre fini ; 4. le curé de Notre-Dame de Lorette pique des cure-dents dans (je sais : dandan ; vous préférez « en une ? ») une grande surface pour en fabriquer une couronne d'épines pour le Christ ; 5. le café à la belge, un rien lavasse, paraît peu goûteux au commissaire Léon ; 6. il est malsain d'écrabouiller une gamine en robe bleue, tenant un bouquet de coquelicots à la main, et de commettre un délit de fuite ; 7. le chien Babelutte
adore se faire troufignoler par Emile, le clebs pédé du voisin ; répondez à la ques­tion suivante : qui a décapité Carole et fourré sa tête dans la cage à canaris, châtré Pierre (dans Monsieur Emile, la tête de Chrystine (sic) finissait dans un aquarium et le zizi sectionné du facteur était boulotté par les rats), découpé en menus morceaux le
chartreux de Catherine, révolvérisé le maire père de ladite Catherine, égorgé Héléna, etc ?

Le roman à énigme est une machinerie trop délicate pour ne pas s'enrayer quand s'accu­mulent les coïncidences : le bracelet de Lily écrasée par une chauffarde est découvert par le fils de l'assassine et échangé par l'enfant, chez un vieux marchand de jouets qui n'est autre que le grand-père de Lily, contre un clown de bois, le jouet préféré de la vic­time...

Trop c'est trop : quand le pittoresque, à force d'outrance, devient plat ; quand le sordide devient gratuit ; quand l'écriture s'embourbe dans le cliché (puisqu'elle vient de recevoir un mini-cercueil contenant un coquelicot, « le tailleur gris de Maura lui [va] comme un linceul ») ; quand le mot d'enfant s'avère mot d'enfant fabriqué (« L'enfant n'aimait pas cette voix. Trouvait qu'elle avait des épines. ») ; quand on prend trop ses aises avec la grammaire (« Cette gentille vieille dame [...] s'avérait être une mordue d'histoires d'horreur !» — où l'in­finitif est superflu — / « Léon qui sentait des relents d'hier lui remonter à la gorge. » — c'était plutôt ceux de la veille...) ; quand un médecin légiste tchatche comme le Béru de San-Antonio ; quand il manque un cha­pitre (où est passé le n° 55 ?) : on se doute que tout cela finira mal. Déjà, dans la chan­son de Mouloudji, ça tournait mal, cette histoire de coquelicots...

Pol Charles