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Critiques de livres

La presse de l'Assassin

Amélie Nothomb a un nom célèbre en Belgique, puisqu'elle est la pe­tite-nièce de Charles-Ferdinand, l'homme politique, et l'arrière-petite-fille de Pierre, l'écrivain. En un seul roman, elle a réussi à se faire un prénom. Hygiène de l'assassin a en effet été sélectionné pour deux prix littéraires importants, le Fémina et le Médicis, avant de se faire évincer, pour ce dernier, par Michel Rio : « Du côté des jurés Médicis ce n'était pas non plus l'entente cordiale, note Jean-Claude Lamy dans Le Figaro (17 novembre 92). A propos d'Amélie Nothomb, Alain Robbe-Grillet est expéditif : "C'est nul. " Jacqueline Piatier dit au contraire : "C'est très bon. " Elle aurait voté des deux mains pour sa candidate si elle ne s'était pas fracturé le bras gauche. » En quelques interviews et déclarations, Amélie Nothomb s'est forgé une image de polygraphe, voire même de graphomane : « Je tiens la plume depuis l'âge de dix-sept ans. Le roman qui vient de paraître était en réalité mon onzième manuscrit. Aujourd'hui, le seizième est en voie d'achèvement (...) Ecrire est une raison de vivre, un acte quasi­ment maladif, tant il m'est indispensable. » (Entretien avec Marc Baronheid, L'Instant, 8 octobre 92.)

Classée pendant plusieurs semaines parmi les meilleures ventes en Belgique et en France, la jeune romancière aura été un des auteurs phares de la rentrée 92-93. Dans le dossier de presse qui nous a été fourni par les Edi­tions Albin Michel, ce qui frappe d'emblée, c'est l'abondance de la matière, puisqu'on y trouve au bas mot une centaine d'articles ou dépêches d'agences, dont l'aire géographique couvre toutes les régions françaises ainsi que la Suisse romande et la Belgique.

Les avis exprimés divergent, comme il se doit, mais la tonalité générale est plutôt po­sitive, de la simple déclaration d'estime au complet dithyrambe. Voici quelques extraits choisis, en commençant par la presse belge.

« En dépit de quelques surcharges verbales, on progresse avec plaisir dans ce livre culotté (...)» Ghislain Cotton, Le Vif-L'Express, 4 sep­tembre 92.

« Les premiers romans se suivent et ne se res­semblent pas. Celui d'Amélie Nothomb, pour être ambitieux à plusieurs titres, ne parvient malheureusement à aucun de ses buts (...) Pour tout dire, on ne se prête pas à ce jeu psy­chologique dont l'intérêt littéraire n'apparaît pas vraiment.»

Pierre Maury, Le Soir, 9 septembre 92.

« Ce n'est que la promesse, l'annonce d'un ta­lent. Mais voilà un roman qui n'est ni mé­diocre, ni banal (...) »

Jacques Hislaire, La Libre Belgique, 10 sep­tembre 92.

« A. N. va fort avec les images, avec le person­nage extraordinaire et monstrueux de Tach, même si la technique narrative de la succes­sion des interviews finit par lasser avant le coup de théâtre final. »

Luc Migeot, Journal et Indépendance-Lé Peuple, 12 novembre 1992.

« Ce premier roman (...) n'est pas sans intérêt. Grâce à un humour permanent (...) et à un solide suspense psychologico-littéraire, la. ro­mancière parvient à ne rendre ni ennuyeux, ni redondant ce qui est une gageure : écrire deux cent pages sous la forme de questions-ré­ponses. On lui reprochera cependant plusieurs choses : un poujadisme certain dans sa peinture de la gent journalistique (...), des naïve­tés stylistiques et autres et, plus grave, un ton moralisateur qui va grandissant. » Michel Paquot, La Cité.

« Le livre est alerte comme un pugilat devant le micro. Il en a la vie, l'imprévu et l'appa­rent désordre. On y côtoie les abîmes de la création littéraire, ce qui est rare. L ‘impudeur en est saine. Ceci admis, le dialogue peut de­venir une facilité et une complaisance. » Alain Bosquet, Le Quotidien de Paris, 16 septembre 92

« Il faut une effrayante maturité (ou une ef­frayante innocence) pour être capable à 25 ans de ciseler de telles réparties sans temps morts, sans fautes, sans lieux communs, et qui toujours font mouche par une chute inatten­due. (...) A. N. : une extraordinaire giclée de vitriol dans nos trop sages jardins à la fran­çaise. »

Pascal Bruckner, Le Nouvel Observateur, 24 septembre 92.

« La chute du récit surprend sans parvenir à convaincre entièrement, non plus que quel­ques outrances, même si le genre choisi les en­courage. C'est cependant là un roman trop puissant chez une débutante pour ne pas être remarqué. »

Isabelle Martin, Le Journal de Genève, 8 no­vembre 92.

« Alfred Hitchcock (...) n'aurait pas renié cette construction et cette façon de maintenir le suspense. Hygiène de l'assassin est une vraie réussite et A. N. s'impose déjà comme un écrivain à suivre. »

Christophe Kantcheff, Politis, 12 novembre 92.