pdl

Critiques de livres

Alain le Bussy
Les filles d'Alain le Bussy
Paris
L'Œil du Sphinx
2006
199 p.

Le mystère féminin selon Alain le Bussy
par René Begon
Le Carnet et les Instants n° 148

Retraité barbu et disert, natif d'Esneux, près de Liège, Alain le Bussy est un auteur de sciencefiction fécond, dont l'œuvre compte à ce jour une bonne quarantaine de romans et pas loin de deux cents nouvelles. Une valeur sûre dans une discipline au sein de laquelle il est parallèlement l'opiniâtre organisateur de conventions internationales qui voient accourir au bord de l'Ourthe, en provenance de l'Europe entière, une foule d'auteurs de SF prompts à échanger sur leur art.

Le livre que le Bussy a publié fin de l'année dernière chez le petit éditeur parisien «L'Œil du Sphinx» («Ods») figure, semble-t-il, un peu en marge de sa production habituelle. Il s'agit d'un recueil de quatorze nouvelles dont l'écriture s'est échelonnée sur une trentaine d'années et qui possèdent en commun deux particularités : la première est d'avoir comme héroïnes des jeunes femmes et l'autre de mettre en scène un narrateur qui est aussi auteur de science-fiction. Si l'on ajoute à cela que plusieurs nouvelles, bien qu'ancrées dans un univers plutôt fantastique, se déroulent dans la région de Liège ou même dans certains coins d'Esneux, on n'aura aucune peine à déduire – ce que confirme d'ailleurs l'écrivain – que l'ouvrage est truffé de clins d'œil que l'auteur se fait à lui-même en même temps qu'à des proches ou à des représentantes et représentants du milieu de la SF, allusions qui nous échapperont complètement, à vous et à moi, mais qui amuseront sans doute les intéressés.

Le Bussy aime les îles ou les côtes isolées du monde. Il réussit particulièrement bien à évoquer l'atmosphère de ces lieux éloignés de la civilisation, îlot breton ou crique des Cornouailles, où son narrateur aime à se retirer pour écrire et où il fait d'étranges rencontres féminines. Dans ce livre où tout semble aller par moitiés, les histoires se partagent équitablement entre la SF et le fantastique. Première nouvelle du livre, «La fille qui veillait sur le quai A» évoque les conditions de vie sur une île rescapée d'un Grand cataclysme au fil des réflexions d'une l'héroïne qui attend son compagnon parti pêcher au loin. Autre île sauvée du désastre dont les habitants vivotent, tant bien que mal, pratiquant la récupération d'épaves, pour la nouvelle qui suit, «La fille qui ne laissait pas de traces sur le sable». On reste dans la SF avec la nouvelle située à la citadelle de Liège dans laquelle un narrateur tombe sous le charme d'une femme qui lui sera enlevée par ses sœurs extra-terrestres.

Atmosphère d'étrangeté, plutôt, pour ce texte situé au fond d'une crique à Land's End, dans l'ouest de l'Angleterre : un écrivain avide de solitude y observe à la jumelle une mystérieuse artiste qui trace son portrait de façon de plus en précise à mesure qu'il croit s'approcher d'elle incognito. Univers fantastique, certes, mais aussi esneutois, dans la nouvelle «La fille qui chassait la pluie» où le narrateur lie connaissance, derrière chez lui, avec une femme poursuivie par une sécheresse maléfique.

À tout prendre, on aurait préféré que les nouvelles d'Alain le Bussy s'appellent Les filles qui… plutôt que de les voir affublées de ce titre lourdement redondant. Un caprice d'éditeur, à n'en pas douter… auquel on aurait cependant tort de s'arrêter tant ces textes brefs ont du charme.