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Critiques de livres


Joëlle VAN HEE
Le Chemin bleu
L'Harmattan
1994
140 p.

Lamento

Après une déconvenue sentimentale, une infirmière quitte son pays d'ori­gine pour une mission africaine, où elle fraternise avec un petit homme dont la maturité précoce l'étonné et la séduit. Aux premières pages du livre, Angelica s'adressait, sur le ton de la litanie plaintive, à l'enfant qu'elle n'a pas eu ; N'dulu a vu mourir son grand-père, symbole d'une sagesse ancestrale qui se transmet de génération en génération. Le Chemin bleu est donc l'histoire d'une fuite (celle de l'infirmière) et d'une initiation (celle de N'dulu), puis d'une rencontre (qui comble chez la jeune femme un désir de ma­ternité) et d'un passage de témoin, enfin le récit d'un double travail de deuil placé sous l'invocation ambivalente de la lune, tout à la fois symbole maternel et séjour des morts — et de la perte de l'innocence, sur fond de guerre civile et d'humiliations mili­taires. Mais, le style ? Maladresse ou naïveté de quasi-débutante, — à laquelle on doit des Contes blanc d'Afrique noire parus chez le même éditeur — celui de Joëlle Van Hee « poétise » un peu beaucoup avec applica­tion. N'dulu « porte l'âme d'un peuple tout entier au bord des yeux. A chaque larme, à chaque fois qu'il desserre les lèvres, il laisse s'échapper un peu de ce souffle africain [...] Elle pénètre dans la forêt. La forêt resserre ses bras suants sur sa tête plaquée. Ses pieds s'enfoncent dans un épais tapis de mousse. Elle ôte ses sandales pour savourer sa moel­leuse fraîcheur. » Et ainsi de suite. C'est un peu dommage. Une parole sourde et sèche aurait été davantage à la hauteur de l'infinie douleur des personnages, à la mesure de la terre de violence et de beauté lancinante dont Joëlle Van Hee veut nous faire partager les sortilèges et l'envoûtement.

Thierry Horguelin