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Critiques de livres


Daniel POLET
Le grand livre de la Meuse, un fleuve des hommes
Casterman
1997
172 p.

Invitation au voyage

Aujourd'hui, la crise aidant, le voyage a quelque peu changé de visage. Les lointaines destinations, l'exotisme à tout crin, laissent une place de plus en plus grande au tourisme vert et aux escapades de quelques jours. Les villes ou les sites chargés de mémoire ont la cote. Aussi la littérature de voyage a-t-elle évolué en ce sens : au diable les cartes postales et autres clichés spectaculaires cent fois visionnés et vivent les lieux dont la grâce ne peut s'apprivoiser que lentement, au gré de la flânerie ou d'un fil d'Ariane qui pique la curiosité. Dans cet esprit (quoiqu'il ne s'agisse nulle­ment d'un guide touristique), Casterman vient de publier Le grand livre de la Meuse, dont la rédaction est confiée à Daniel Polet, journaliste et écrivain né sur les rives du fleuve, et la postface à Gaston Compère. C'est, pour la forme, un beau livre, un livre d'art dira-t-on (on en regrettera d'autant plus les quelques coquilles qui le déparent).


Joël GOFFIN
Sur les pas des écrivains à Bruxelles
Les Editions de l'Octogone
1999
118 p.

Mais avant tout, il s'agit d'une « anthologie au fil de l'eau pour célébrer une vallée et un fleuve, de la source à la mer ». Au terme d'une enquête minutieuse, l'auteur a retenu quelques deux cents écrivains et artistes dont les œuvres jalonnent un parcours de près de 950 kilomètres, du plateau de Langres à Rotterdam, principalement du XIXe siècle à nos jours. Une iconographie particulière­ment soignée (on y retrouvera des docu­ments rares, voire inédits) ponctue des textes dont l'intérêt n'est pas toujours dans la valeur littéraire (bon nombre semblent vieillis, d'un romantisme désuet et la biblio­graphie en est des plus succinctes) mais dans le témoignage qu'ils apportent sur la fascina­tion qu'exercé un grand fleuve. Ainsi, au-delà du pittoresque, de la variété des pay­sages et du flux mouvementé de l'histoire, on constate que la Meuse suscite un attache­ment profond. Celui qui fut enfant de ses berges, elle en focalise le souvenir, plus, elle en cimente l'identité dans le sentiment d'ap­partenance à un coin de terre symbole d'un désir bien humain : retrouver la pérennité (l'éternité ?) à travers la fugacité du temps et la diversité des formes.


Christian LIBENS
Sur les pas des écrivains à Liège
Les Editions de l'Octogone
1999
120 p.

Car, comme le souligne Gaston Compère, « l'important n'est pas le fleuve, mais l'homme devant le fleuve ». Et de nous inviter à relire Rim­baud, « le seul [génie], incomparable, que la Meuse ait donné », même s'il ne l'a jamais nommée. Un parcours poétique, y a-t-il de plus belle invitation au voyage ? Dans un tout autre style cette fois, les édi­tions de l'Octogone inaugurent une nou­velle collection intitulée « Sur les pas des écrivains ». Les deux premiers titres portent respectivement sur Liège et Bruxelles. C'est Christian Libens qui se charge de nous faire découvrir la cité mosane à travers des « flâ­neries littéraires », visites guidées qu'il a mises sur pied il y a quelques années. Il connaît donc son sujet, qu'il traite avec une gouaille toute liégeoise, et pourtant le pro­pos nous paraît un peu mince parfois.

Certes Liège a connu bien des écrivains, qu'ils soient de passage comme Pétrarque et San Antonio, ou enfants du pays comme Albert Mockel et Alexis Curvers. Mais si la relève semble assurée, d'un Jacques Izoard à un Bernard Gheur pour n'en citer que deux aux tempéraments si différents, la figure de Simenon reste omniprésente dans la ville. Ne boudons cependant pas notre plaisir à parcourir ses rues au fil d'anecdotes parfois savoureuses, d'autant que les itinéraires ont le mérite d'être conçus et parfaitement dé­crits pour le promeneur à pied. Avec Bruxelles, (dont « la Grand-Place vaut bien un fleuve », comme le soulignait Ilya Prigogine) la substance est plus dense, cela va de soi. De Ruysbroeck l'Admirable jusqu'à Amélie Nothomb et toute la jeune généra­tion, la ville constitue un foyer littéraire, par­fois intense, où les diverses avant-gardes trou­vèrent un sol fécond depuis la fin du XIXe. « Terre d'asile et de confluence » aussi, les treize parcours que nous propose Joël Goffin en donnent un large aperçu, alliant l'érudi­tion pittoresque à de nombreux extraits d'au­teurs venus de tous les horizons. Un tel foi­sonnement redira la nécessité de conserver ou de réhabiliter ces lieux souvent discrets qui forment aussi la mémoire de la ville. L'un et l'autre de ces petits guides à mettre en poche sont assortis d'une liste d'adresses utiles : librairies, cafés littéraires, musées et autres « lieux hantés » comme aime à les appeler Christian Libens.

Dominique Crahay

Joël GOFFIN, Sur le pas des écrivains de Bruges à Damme, Les Editions de l'Octo­gone, 1999, 144 p.