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Critiques de livres


René HENOUMONT
Le Passage d'eau
Monaco
Ed. du Rocher
1998
197 p.

Simplissime...

Le jardin survit dans notre monde, comme une sauvegarde.  Il est humble, proche de la maison. Il vous courbe. Il vous apprend la lenteur. Il est naissance, il croît, il repose et parfois il meurt » écrit René Henoumont à l'entrée de son Jardin à la campagne, Allons voir si la rose. ..

« Un trésor est caché dedans » : vous vous souvenez de la fable du laboureur ? Jean de la Fontaine, déjà, épinglait la fortune de celui qui, inlassablement, retourne la terre. Une ri­chesse issue du travail de la terre et de ce pou­voir régénérateur, de cette vigueur miracu­leuse qui déploie de petites graines sèches en plantes vigoureuses et fait fleurir jusqu'aux terrils... Il n'est pas nécessaire de retourner des hectares : un petit bout de jardin vous dé­livre des soucis d'un monde qui tourne trop vite et parfois même à contre-sens !


René HENOUMONT
Allons voir si la rose
Editions Racine
1998
150 p.

Entre les bourgeons prometteurs, les pousses vigou­reuses et les racines grignotées par les mulots, la vie au jardin vous apprend la sérénité ; nul besoin de cours de philosophie pour devenir sage lorsque l'on est jardinier. Ces fabuleux petits bonheurs sont légion au jardin de René Henoumont : comment ne pas oublier l'hi­ver, lorsque le perce-neige pousse déjà ses petits tétons verts, comment ne pas goûter le prin­temps lorsqu'il prend la forme des éclate­ments colorés des tulipes botaniques : Après la Tarda vient Petit Chaperon rouge dont le feuillage strié rappelle un peu les orchidées sau­vages. Avril, c'est le moment crucial du réveil des rosiers : quel bonheur, Frau Karl Drushki a un œil rouge.

Allons voir si la rose : la passion de René He­noumont lui fit jadis « emprunter » un rosier ancien, au bord de l'Ourthe, du côté de Comblain-la-Tour. C'est une petite fleur blanche très serrée avec le cœur nacré et lorsqu'elle s'ouvre, elle est soutachée de rouge, comme si un furtif baiser avait laissé un peu de rouge à lèvres sur ses pétales. S'il n'est jamais arrivé à en connaître le nom, il évoque volontiers les plaisirs sensuels de maints rosiers identifiés : le Centifollia muscosa, moussu tant de la fleur que de la tige, Clair Matin, toujours fleuri, avec cette touche de nacre qui va si bien à la rosée, Den­telles de Bruges, de Malines, de Bruxelles, Othello, le pourpre, Pierre de Ronsard et ses énormes fleurs-choux, serrées à l'ancienne et au pénétrant parfum de thé... La reine de mai, cette année, c'est l'aubépine. Les aubépines ont littéralement explosé comme des bombes blanches. Dans la nuit, leur odeur est un peu dé­concertante, plus pâtisserie que fleur. On dirait que le jardin est borné par des gâteaux aux amandes. C'est amer et sucré à la fois. Avec notre guide, tous les sens sont à la fête ; il récolte les meilleures courgettes de Fosse-à-Cayoux, juste à bonne mesure, un minimum de graines, une peau de bébé, mais tendres, tendres... Un petit coup de « prunelle » dans la tempête entretient les bonnes relations avec Bardoumont, le voisin. Et un petit air de nostalgie ravive le souvenir de la trotti­nette bleue des Grandes Roches, de la maquée, des rombosses, des Florenvilles cuites dans le lard, et du silence, du merveilleux si­lence habité par le bruit de la sève qui siffle au cœur de la bûche en feu ou visité par le ronronnement du chat qui s'étire. Quand le TGV n'avait pas encore démoli la vieille ferme du XVIIIe siècle là-bas vers Bruxelles et que des rangées de fermettes au pignon malinois et au faux puits sans style n'avaient pas encore colonisé le pré au bout du village... Simples : comme les plantes qui offrent leurs remèdes sans complexité, l'écriture est simplissime, petites notes justes, chant de la terre et de l'humain sans fioriture.

C'est pareil pour le roman, Le Passage d'eau, que René Henoumont publie en même temps aux éditions du Rocher. Une histoire de sensualité et de nature, avec, en arrière-plan, les mythes d'une enfance ardennaise bercée par les souvenirs d'Afrique, la pêche, la chasse, les secrets de famille. Une histoire racontée sans façon. Bobby, le rouquin soli­taire de la villa jaune du bord de l'eau, à Cinq-Rivières, va perdre, au fil de l'été, les joies simples de l'enfance et se laisser empor­ter par les tentations séductrices des adultes. Ici, ce sont les paysages de l'Ourthe, bordés de chalets, de villas, de prés sauvages, qui, le temps d'une histoire de haine et d'amour, deviendront campings, discothèque, pêche­rie. Un nouveau monde vient gommer les légendes. A lire au bord de l'eau.

Nicole Widart