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Critiques de livres


Gabriel DEBLANDER
Le retour des chasseurs
Labor
Espace Nord
1999
Lecture d’Eric Lysoe
297 p.

Deblanderen poche

La collection Espace Nord accueille Le retour des chasseurs, un recueil de onze nouvelles de Gabriel Deblander publiées chez Laffont en 1970, et leur ad­joint une lecture d'Eric Lysoe, éclairée par un fragment d'un tableau de Bruegel ou par l'Adoration III de Ferdinand Hodler. Ainsi cette publication de poche offre-t-elle tous les repères nécessaires pour situer l'œuvre et l'écrivain né à Rêves (!) dans le Hainaut en 1936.

On y apprend que Gabriel Deblander, com­munément identifié comme un digne héri­tier de la veine belge fantastique, se sent, en fait, plus d'affinités d'écriture avec Giono ou Buzzati qu'avec Jean Ray ou Thomas Owen. Le retour des chasseurs puise les forces mysté­rieuses de ses histoires dans les noces cos­miques du soleil et de la terre, dans la fougue des éléments, dans les apparitions fugaces de créatures étranges, dans la dupli­cité effrayante des personnages qu'il met en scène, dans l'humus d'un terroir. Les arbres, les animaux, les herbes aux pouvoirs oc­cultes, les gestes ancestraux, les peurs an­crées viscéralement au ventre des campagnes habitent ces récits étranges, pétris de menus faits quotidiens qui dérivent vers la haine, le désespoir, la plus noire des mélancolies, vers les sentiments extrêmes qui mènent à la folie et à la mort par tant de chemins de traverse. Des lieux à la fois précis et impal­pables, des instants enfouis dans les recoins de l'histoire, voici la campagne des peurs et des reproches, avec un bestiaire fantasque et des personnages qui pourraient surgir de certains films de Bergman ou d'une toile de Jérôme Bosch, êtres mi-sorciers, mi-hommes dont les frayeurs prennent corps et se déclinent, sur cette planète du diable, en rituels sanglants mais aussi en images poé­tiques. La belette, les fous autour de l'arbre, le soleil des taupes, la marche de l'agneau, Le temps du feu et de la cendre, autant de contes à ne pas dormir, autant de métamor­phoses à chuchoter entre chien et loup, lorsque la maison tremble sous les assauts du vent.

Nicole Widart