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Critiques de livres


Roger FOULON
Les douze mois d'un jardin
chroniques
Bruxelles
Memor
coll. Transparences
2004
124p.

Le bonheur est dans le pré...

Aux éditions Memor, dans la collection Transparences, voici un livre de chroniques de Roger Foulon, Les douze mois d'un jar­din. Loin des tumultes de la ville, des histoires douloureuses et des aventures troubles, Roger Foulon trouve le bon­heur et le plaisir de philosopher en ob­servant ce que chacun d'entre nous peut regarder : la nature et ses modifications au fil des saisons. Cette force de vie qui transforme une petite graine toute sèche et toute ridée en plante vigoureuse pourvoyeuse à foison des fleurs et des fruits, n'est-ce pas un miracle ? Certes le jardinier peut avoir des jours mauvais où il ne voit que les courgettes qui fleurissent sans fructifier, les mira­belles farcies de guêpes, les liserons et les orties qui étouffent les capucines et les fraises des bois. Roger Foulon, lui, voit dans le liseron éphémère le symbole même de la vie : « il naît, s'accroche, lutte, s'épanouit, rayonne et meurt ». Comment ensuite arracher ces fleurs de neige « aux pétales soudés en une espèce de coupe fragile, qui repose sur une flûte d'un vert léger quasi translucide » ? Les limaces ont dévoré les salades, les pavots d'Islande, les fraises et les pous­ses de potiron ? Un instant d'aversion passé, l'écrivain observe la bête, les cornes qui se rétractent le manteau plus pâle marqué de granulations calcaires... et nous conseille de la « replacer dans son antre. Les êtres les plus déshérités, les plus monstrueux peuvent inspirer at­tention et sollicitude ». Mais regardez ailleurs : « Cent fleurs font de la pivoine une plante rouge de confusion (...) Quand on fourre le nez dans le tulle des pétales, on croit pénétrer dans le plus intime d'une chair ». Le jardin est tout autant grimoire ma­gique qu'évocation sensuelle et mé­moire du plaisir. Songez au rite ancestral de la cueillette : « Cérémonie, liturgie ? (...) Plaisir gourmand de gourmet de mordre à pleines dents une pulpe d'où suinte et dégouline le jus ». On vous le disait, le bonheur est dans le pré. L'air est d'une douceur d'ange, nous dit le poète, ou d'une douceur de miel, de main de femme qui caresse. Il suffit de se laisser habiter par la vie du jardin. Enlevez une pierre, vous bouscu­lez un monde de fourmis, de cloportes, de vermisseaux qui s'agitent. Ne serait-il pas temps de renoncer à notre agitation fébrile, aux stress inutiles ? Les images inhabituelles d'un micro­scope poétique nous mènent de janvier à décembre. Entre le jardin figé par le gel et transformé en « un morceau d'âme qui attend » et le jardin « voué à l'obscur » du solstice d'hiver, il y a les promesses des bourgeons vert tendre, l'explosion des parfums de mai, la pro­fusion des fruits et la certitude que tout cela recommencera sans fin. De quoi en tirer une certaine philosophie. Ce n'est pas innocent si Roger Foulon a cité en tête de ses chroniques une phrase de Georges Duhamel : « Un jardin peut vivre à la face du ciel, en cherchant chaque jour le sens de la justice, de la paix, de l'harmonie. »

Nicole Widart