pdl

Critiques de livres


Carlo MASONI
Les signaux inutiles
Luce Wilquin Editeur
1995
192 p.

Les souvenirs du fond du puits...

« J’avais eu, au Centre culturel où je travaille, une journée agitée par des problèmes d'un terre à terre désespérant. J'en revenais l'esprit racorni et pesant comme le ciel plombé qui coiffait l'avenue.»

Inutile de dire que le narrateur accueille avec intérêt l'irruption dans sa vie terne et morose de Boniface Maulette, un ex-condisciple qui le mène au cœur d'un thriller doublé d'une histoire d'amour et de sensualité. Dans son dernier livre Les signaux inutiles, Carlo Masoni noue l'écheveau des détails aberrants, dépeint crûment des êtres fuyants, fait exister des lieux aussi divers qu'un café parisien glauque, une villa de la rue de la Folie en Avignon ou les charmes verts des Ardennes du côté d'Herbeumont. L'histoire est simple : une rencontre inopinée avec Boniface Maulette à la terrasse d'un café d'un boulevard parisien bouscule l'existence de Jacques, le narrateur. Le ren­dez-vous pris tourne court et, sur le train du retour, Jacques découvre dans le journal un fait divers sordide. Un homme est mort brûlé vif à l'adresse de Maulette. Serait-ce là l'explication du rendez-vous manqué ? Lorsque Martine, la très charmante sœur de Boniface, le supplie de l'aider à le retrouver, Jacques entreprend un trajet parsemé d'em­bûches et de signaux inutiles. Les rencontres esquissées nous révèlent des parcelles fugaces de vérité. On feuillette les images fugitives du Boniface « enfant de chœur » de la vieille voisine parisienne, du Bonifesse dit hareng-saur de l'époque scolaire, du Bony-héros de Martine (dont on doute à pré­sent qu'elle soit vraiment sa sœur), du truand sans envergure, de l'antiquaire sans qualité. Le narrateur prend de temps à autre le temps de commenter — avec humour l'action et nous montre qu'il n'est dupe de rien. Enfin pas de tout. Il ne manque pas de références non plus : Giono, Claudel, Soupault sont convoqués l'une ou l'autre fois. On fréquente le festival d'Avignon, on partage les affres des organi­sateurs de spectacle et l'auteur n'hésite pas à placer à l'occasion l'une ou l'autre bande­rille contre l'intellectualisme. Attendez-vous donc à un thriller psycholo­gique, nourri de descriptions à la pointe sèche, fleuri d'expressions délicieusement dé­suètes, qui campe des personnages étranges et navigue à vue de Paris à Bruxelles, d'Her­beumont à Avignon et à Séville à la re­cherche de l'homme kaléidoscope...

Nicole Widart