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Critiques de livres


Jean Claude BOLOGNE
Le Testament de sable
Le Rocher
coll. Nouvelle
2001
240 p.

Concentré de Bologne

La collection « Nouvelle » des Éditions du Rocher accueille des textes courts publiés isolément. Le Testament de sable, que vient d'y faire paraître Jean Claude Bologne, est la suite d'un récit paru dans la même collection en 1997, Le Chan­teur d'âme. Le lecteur y retrouvait des per­sonnages célèbres : d'une part, Sherlock Holmes et le docteur Watson et, d'autre part, le poète et inventeur Charles Cros. Ensemble, les trois hommes menaient l'en­quête pour retrouver des vases contempo­rains du Christ dans lesquels un potier avait gravé de ses doigts l'onde que la divine pa­role produisait en lui. Grâce au phono­graphe de Cros, cette parole retrouvait la vie en donnant au message du Christ une dimension nouvelle, ouverte sur le néant et presque athée.

Jean Claude Bologne reprend ses trois per­sonnages dans Le Testament de sable et y ajoute un autre écrivain français : Isidore Ducasse, comte de Lautréamont. Seules les premières lignes de cette nouvelle publica­tion paraîtront obscures aux lecteurs igno­rant Le Chanteur d'âme. Pour le reste, il s'agit d'une nouvelle enquête, où se marient adroitement énigme et réflexion philoso­phique. Cette fois, c'est le testament de Lautréamont qui fait l'objet d'une patiente enquête, un testament mystique inscrit dans une tradition secrète et représentant un danger réel pour certains personnages haut placés... Mais il est difficile d'en dire plus ici sans tuer l'intrigue, à la fois bien ficelée et profonde, qui charpente ce court récit. Aux lecteurs désireux de découvrir Jean Claude Bologne, nous ne pourrions que conseiller la lecture de l'une de ces deux nouvelles, car la plupart des ingrédients de ses autres livres s'y trouvent mêlés. Plu­sieurs de ses romans sont en effet basés sur une enquête aux résonances métaphysiques (à l'instar du Nom de la Rosé d'Umberto Eco). Il y est souvent question de sectes et d'un texte ancien dont le sens mystérieux menace certaines autorités et éclaire le pré­sent comme le passé. Enfin, l'auteur revient toujours à la question principale de son œuvre, celle du « mysticisme athée », du vertige que procure pour un non-croyant le spectacle de la foi et le néant que celle-ci cherche à masquer.

Presque tout Bologne se trouve donc en ré­sumé dans Le Testament de sable et dans Le Chanteur d'âme. Peut-être même pourrions-nous prétendre qu'il s'agit de la quintes­sence de son œuvre : dans ces deux nou­velles, l'écrivain va droit au but. Et en recourant à des personnages déjà connus, il fait l'économie des questions que lui im­pose le réalisme romanesque. Maître de la mise en récit du rapport vertical de l'homme moderne à la transcendance, le ro­mancier est peut-être moins disert lorsqu'il aborde les relations horizontales... que l'amitié sans équivoque du détective et du médecin anglais permet de mettre entre pa­renthèses.

Toujours est-il que la centaine de pages qui constituent Le Testament de sable se lit avec un réel plaisir et débouche sur une réflexion ouverte et fascinante.

Laurent Demoulin