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Critiques de livres


Anne-Michèle HAMESSE
Le voleur
Editions Luce Wilquin
2000
134 p.

Un monde presque parfait

Tout est pour le mieux dans un monde bourgeois. Les romans sont écrits avec style ; les maris exercent de beaux métiers, les épouses s'occupent ; les maisons sont joliment décorées et on n'hésite pas à laisser une trace de mauvais goût (cela fait plus vivant) ; les mariages restent heureux, avec juste un peu de patine donnée par l'ennui. Et quand du jardin on n'a pas le temps de s'occuper, on peut faire appel à un jardinier. Dans le roman d'Anne-Michèle Hamesse, il n'y a même pas besoin de l'appeler, il apparaît à la porte que l'héroïne est en train d'ouvrir. C'est un peu moins simple que cela mais c'est ce que croit Geneviève, l'épouse d'Alexandre, anti­quaire de son état. Le jardinier est en réalité un émigré russe, croqueur de dames et voleur guère gentleman. Il a jeté son dévolu sur cette maison. Veut en voler tous les ob­jets et les tableaux de valeur. Il a du goût notre homme : sauvage et cultivé. On s'en serait douté, il fera craquer la bourgeoise. Qui l'engagera pour créer son jardin à la ja­ponaise. Elle en tombera passionnément amoureuse, au point de sombrer dans la folie quand il la quittera, emportant avec lui tous les biens de la maison. Il faut dire qu'avant, elle a eu de la chance : son mari est resté de longues semaines à l'étranger — dieu sait pourquoi — et elle a pu vivre sa passion avec passion. Quand il reviendra, il la récupérera à l'hôpital psychiatrique, ra­chètera au fur et à mesure les meubles et les tableaux dérobés et tout redeviendra comme avant. Ou presque. Madame aura toujours cette petite blessure au cœur qu'elle pourra toujours porter comme une décoration à la boutonnière. Non on n'est pas dans un roman de gare. On est dans un vrai roman bourgeois. Avec le respect des valeurs de cette classe sociale. L'argent et le mariage pour le couple ; une passion pour Madame. Ajoutez à cela l'écriture décorée et décorative d'Anne-Marie Hamesse. Ecri­ture tout en métaphores, en images, en comparaisons — de salon. Ecriture qui ne souffre pas de la passion. Qui ne fait que la rapporter. Qui s'en veut l'écrin doré. Un joli bibelot d'inanité sonore et amoureuse, en somme. Qui prend le monde tel qu'il est et le laisse pareil. Sans avoir abordé aucune de ses zones d'ombres. Dire qu'avec une matière presque identique Duras a écrit Le ravissement de Lol V. Stein !

Michel Zumkir